Parce que mes pieds sont têtus.

lundi 19 janvier 2015

De boue en bout trail nocturne

Ce n'est pas raisonnable je sais.
me voilà déjà en prépa marathon. Travail de VMA.
Mais c'est la saison de la boue. Et je voulais savoir si j'y suis à glaise .
Je m'y oins crescendo. Trail des berges. Boueux.
avant-hier, trail des rois de Villemur-sur-Tarn. Boue. Heu. Boueux plus.
Bientôt la Forest. Le plat de consistance.
La nuit neutralise les appréhensions. Elle exacerbe même l' instinct de boue-garou qui sommeille chez le traileur.
Les loupiotes s'impatientent, sautillent sur le départ. Le vin s'échauffe. Il sera prêt, à la louche pour les premiers glaiseux, les têtes de classe, dans une heure.
Je suis novice. Je m'élance sans crainte, essayant d'appliquer les conseils des grands en me propulsant à bonne allure sur les deux premiers kilomètres de bitume.
La sélection naturelle se fait dès les berges du Tarn, jolies vicieuses. 
Le fun commence ici. 
Les boucles ponctuées d'escaliers sont animées par un village amusé. C'est la première version nocturne de la course et le traileur fait sortir le curieux de sa coquille chaude.
Je me retrouve rapidement au coeur d'un petit peloton exclusivement masculin. Nous courons boue contre boue sur une valse de 11 kilomètres de chemins bourrés d'ornières, de descentes hasardeuses et de montées silencieuses.
Les jurons accompagnent parfois les chutes souvent cocasses, aucun n'est épargné. Je découvre le plaisir de penser sa trace. Sans visibilité, le choix est cornélien. Coller à la semelle ou se détourner. Choisir la sécurité toute relative du tracé du coureur qui nous devance, ou tenter une échappée au risque de choir dans le fossé.
Le rythme me convient, je ne force jamais, peine comme mes compagnons de galère et jubile les descentes parfois à la limite du raisonnable. 
Béni soit le fractionné. La montée bitumée de milieu de parcours ne m'arrête pas. Elle me fait gagner les places perdues sur les chemins. L'asphalte me repose, me donne le souffle nécessaire pour la nouvelle bourrée du Rouergue.
Le bénévole nous redonne des ailes sur chaque bifurcation - souvent en épingle à cheveux - Chapeau à eux, sous cette pluie fine, le confort leur est bien relatif.
La descente sur le village éclairé pour l'occasion me laisse présager de l'émerveillement ressenti par les mangeurs de dénivelé, au terme d'une nuit de grimpette. Petite ivresse de la nuit et du devoir bien accompli.
Le local jovial colle un vin bouillant entre mes mains pâteuses. Et la lumière fut.
Je constate ébahie que je suis la septième féminine à arriver. Première vétéran 1.
14 km / 1h31
Podium.
Je ne risque pas de bouder…mon plaisir !







Photo escalier Running Mag

dimanche 11 janvier 2015

CAP espérance

Passées les laborieuses premières fois, quand le souffle s'apaise, quand le moteur est rodé. Lorsque les jambes ne souffrent plus et que le coeur ne s'emballe pas. Passés ces moments de doute, de pourquoi et de comment, quand la bascule se fait et qu'on relève la tête en s'avouant enfin qu'on aime.
Quand je cours et qu'enfin je vois.
L'horizon sort du cadre et me donne un choix.
Si je veux j'ouvre les yeux. Je souris aux gens, je sollicite le regard du passant. D'un infime signe je lui fait comprendre qu'il ne m'est pas indifférent, qu'il est de passage sur ma ligne de vie et que je l'aime pour cela. Il partage ma route, une foulée en commun, il est de mon paysage, visage fulgurant oublié si vite la plupart du temps, mais le fait seulement d'avoir traversé mon champ de vision au moment où je n'avais comme seule préoccupation de n'avoir qu'à regarder, suffit à faire de lui un hôte de ma vie.
Si je veux je me ferme.
Je fais le vide d'atmosphère et je gravite dans un univers qui n'appartient qu'à moi.
Si je veux je pense.
Je pense à moi. Les maux surgissent, troublants et mauvais, déformés par l'égocentrisme qui fait enfler comme une peste tous les grains de sable de la machine à aimer. Si je m'écoute, je m'arrête.
Si je veux je me referme. En apparence.
Si je veux je pense.
Le monde prend une place infinie avec ce qu'il a de plus beau, mais de plus laid aussi.
Parce que courir c'est prier. Pour moi ça l'est.
Prenez le comme vous voudrez. Mon histoire de course est liée à la force venue d'une âme.
Quand je cours je suis tout le monde. Je suis ceux qui vont mal, je suis ceux qui jubilent, je suis ceux qui crèvent et je suis ceux qui luttent.
S'indigner est juste cause. Mais les mots peuvent tuer, comme les images mille fois repassées sur des écrans assassins imposés aussi à des âmes en loques.
Hier des blessés. Victimes de barbarie, aujourd'hui à peine relevés, qu'une armée de justes soutient, patiemment démontrant qu'une fenêtre ouvre parfois sur du beau. En quelques heures, moins, fauchés par l'horreur des traumatiques souvenirs étalés, encore, encore, encore.
Aujourd'hui comme hier, courir me donne à être. Je m'indigne en silence, j'espère en un souffle.
Courir est mon cri. Une profession de vie.