Le David me nargue. De toute sa splendide nudité. Je reste de marbre. Fada, descends donc de ton piédestal et viens t'en donc suer sous ce premier soleil. Et que la trace tourne autour, vue de face, agréable relief, de côté, joli profil, de derrière, augustes courbes, je pense à cette photo, vue un jour sur les réseaux, de ce ridicule cache sexe à bandoulière à la Sacha Baron Cohen dont on l'avait affublé, géniaux dissidents, et je me poile in petto en pensant à Borat. J'avais tourné dans Borély en me remontant les bretelles, pensant que décidément, sur ce semi, je me foulais la moitié du temps, alternativement combative ou carrément complaisante, ne sachant pas décider si je devais mordre ou buller.
J'avais choisi en amont il est vrai. Il y a de ces vies dans la vie. Tu dévies. M'enfin. Tant que tu ne dévisses pas.
J'ai tourné la montre. J'ai regardé les arcs en ciel dans le port, dans la traînée des promènes couillons. Je me suis rentrée le tintinnabule des mâts dans le crâne et les jolis noms des barcasses. J'ai soupiré devant la roue qui tourne et tourne encore et souri clic-clac sous le miroir. Et puis je suis montée à la bonne mère pour respirer et dire chut à l'angelot. J'ai photographié les ex-voto qui étalent mon patronyme de jeune-fille. C'est drôle les clins Dieu tout de même. Les guirlandes de petits bateaux colorés cascadent des coupoles dorées. Le monoplan s'en balance, il plane sous un vol de colombes muettes, de goélands ou de sternes rieuses, et la voûte éclatant d'or éclabousse les semis corail et bleuet.
La mer s'étale ponctuée de roches et d'îles minérales. Il fait bleu à perte d'horizon et ça moutonne à peine à l'ourlet des voiles blanches.
J'ai du mal à me détacher pleinement du chrono. Une habitude vieille de 4 ans. Ce n'est pas le moment. Combien de fois l'ai-je entendu ! Ce-n-est-pas-le-moment ! Intolérable quand on te l'impose. Salvateur quand on se repose.
Aujourd'hui sous le rouge le jaune, le bleu le franc le blanc l'éclat l'heureux le beau, lumineux, sous la sérénité palpable de Marseille, je prends le temps. Une bribe. Un éclat juste, une illusion de paix et d'insouciance que je noue à mes lacets, de peur de me lasser bientôt.
Je m'entraîne bien peu ces derniers temps. Le miracle c'est d'avancer et j'ai besoin de giclées de lumières pour me révéler parfois, comme un rappel, le prodige de l'ordinaire à la manière des Holi, festivals de chromes sublimes qui couvrent ponctuellement les heures grises des pauvres gens.
Sous les coups du premier soleil je peine un peu. Je m'accroche à la mer et au ruban ondulant de la route sinueuse. Les mouettes se moquent un peu. Insidieuses rieuses. Corniche puis ville, corniche et puis au crochet au bout, déboulant du Faro, les mâts, enrubannés de bleu et de tous les vivats du port.
L'arrivée est sublime, ébouillantée de lumière. Il aurait fallu que je m'arrête avant la ligne, pour capturer l'instant, et puis me glisser dans la foule, ou m'asseoir sur la pierre, pour laisser le temps en suspend. Ne pas voir l'horloge du chronomètre. Faire comme s'il n'était pas. Dire à ces gens sur l'estrade, tournez moi ça, là bas, vers le Mucem, laissez-moi des trous dans ma course, je veux une dentelle, de béton et d'outremer, un entrelacs de réel sur fond de grandes envolées de ciel. Arrêtez-moi ce temps qui galope, ou plutôt, si, faites-moi bondir de l'autre côté. Mordre ou buller. Mordre ou buller ?
J'enfouis la médaille dans mon sac. Je n'ai pas couru, j'ai tergiversé.
Je ne sais pas si je dois en rire ou en pleurer.
En clignant des yeux vers la lumière, non ce n'est pas une larme, c'est le soleil qui m'éclabousse, je me rends à mon évidence. Ce n'est pas le moment. D'accord. Oui mais aujourd'hui, c'est moi qui le décide.
Semi de Marseille. 1h39'13