Je grenouille dans la grande halle froide de Lévignac.
Les pieds glacés. Je traîne des grumeaux de boue. Crasseuse jusqu'à la moelle. Essayant avec peine de court-circuiter cette double crampe qui s'accroche aux mollets.
Forest Trail.
Je suis. Heu-reu-se.
Encore surprise d'être déjà là.
Je devais courir 25 kilomètres, je n'en ai fait que 21. Malgré un coup de belle grosse fatigue au 17 ème, je finis alerte et un peu chiffonnée de ne pas avoir flirté avec ce grand mur nocturne. Passe muraille, ce sera pour la prochaine.
Les rumeurs circulent déjà. Les élites arrivent à peine. Certains coureurs reviennent de 29 kilomètres.
Erreurs de trajectoires à la pelle. Le classement ne veut plus rien dire.
Nous nous étions étonnés, avec une brassée de compagnons de galère, de cette blague un peu déplacée des gentils bénévoles au ravito.
" vous êtes sur le 25 ?… Les élites ne sont pas passées ! "
La gorgée d'eau glacée en travers de la gorge tu ricanes à la farce . Nous accordons nos montres. Pas d'erreur possible.
Et puis.
Je me fiche bien du tableau de chasse.
C'est un étrange plaisir que celui de se faire violence.
Je savoure les battements de coeur imperceptiblement accélérés à l'approche de l'épreuve.
Méticuleusement préparer l'équipement.
Arriver sur zone à l'avance. Prendre le pouls.
Les amis se retrouvent. Tuant le temps en blagues potaches. Comparant la qualité d'un Gore tex, l'accroche d'un crampon, l'esthétique d'une chaussure. On s'amuse à imaginer un après. Uniformément glaiseux.
Le placide lit un pavé, la tête dans la baffle qui crache une ambiance de boite de nuit.
L'inquiet refait dix fois ses lacets. Le méticuleux place son dossard sur un justaucorps soigneusement lissé. Celui là teste sa frontale quand l'étourdi fait la tournée des candidats pour glaner des piles de rechange.
Je patiente. Un peu froid.
Il faut prendre place.
Fini le sursis. Rentrer dans l'ambiance.
Le ciel danse sur le fil du zéro degré. La nuit est vide. Pas de vent, pas de neige ni d'eau ni d'air.
Elle retient son souffle. Nous remplissons l'espace de notre impatience, sourire au voisin, tapes dans les mains, rires, voltes et entrechats pour échauffer les jambes.
Je me glisse au premier rang. J'y retrouve une force rassurante. Un ami coureur, un vrai de vrai. Nous plaisantons face à la caméra qui nous aveugle, essayant vainement de recueillir un témoignage sérieux sur un entraînement qui ne le fut pas.
Le clocher sonne. Deux fois 19 heures.
Un temps suspendu et les fumigènes écarlates ordonnent la charge.
Une grappe d'enfants joyeusement différents de l'association l'Esperluette ouvre la marche.
Scintillantes secondes d'un départ aux flambeaux entre insouciance et appréhension.
Je me laisse porter par un départ ambitieux. je prends ma part de fête. Je déchanterai plus haut. Tout plaisir est bon à chaparder. Nous nous lançons des "bonne course !". C'est chacun pour soi et on le sait pourtant, que si l'un de nous venait à faillir, il y aurait toujours une main secourable pour nous sortir du ruisseau, prodiguer un encouragement, pousser, tirer, indiquer amicalement la sortie de l'ornière.
La route se resserre vite en un chemin copieusement gras. La foret ne tatillonne pas. Elle offre sa fonte de neige dans toute son humide naturalité.
J'apprécie dès l'entrée en matière l'efficacité irréprochable de mes nouvelles merveilles de chaussures Salomon. Le pied accroche un terrain plus que fuyant. Je prends les glissants virages, les gras creux et les spongieuses bosses avec confiance, le regard dans la carrosserie du devant, maillon d'une chaîne de fadas qui beuglent comme à la holà en écho, des "racine !" "tronc" "flaque !" "branche!"…
C'est au 5 ème kilomètre que nous passons, allègres et amusés un beau tronçon d'une centaine de mètres de lit de rivière. Entrée en matière. De l'eau jusqu'aux cuisses ! Nous ne nous y attendions pas. Et pour cause. Sur le papier, il fallait la longer cette rivière. Cette plongée en eau trouble sera le départ du début du raté. Nous serons de la vague des coupeurs de boucle, sans chercher à le vouloir, puisque le balisage nous indique la marche à suivre quand le pied retrouve la terre ferme…
ferme. Molle. Ok. Mouvante.
Quand la tête a envie, elle se fait fi de l'état de la machine. L'inverse est vrai aussi.
Rétrospectivement, se dire qu'on s'ébat tout guilleret, léger vêtu et trempé d'eau glacée dans une foret à l'heure de la tisane des braves et des flambées de cheminées, c'est un peu invraisemblable !
Le passage d'une buse nous égaye tout autant. La caméra-reporter nous fait de l'oeil au tournant. Pouces levés. Droit devant.
J'aime ce moment, presque soudain, où le silence s'impose. L'euphorie s'efface laissant la place au laborieux.
Le corps réalise qu'il devra s'accrocher. L'esprit ajuste son faisceau, attention maximale. Il ne s'agit pas de poser le pied mal. L'intuitif cède sous la pression de la fatigue.
Il est un moment entre deux états. Continuer à courir et à chaque pas se demander si il n'est pas de trop. Verser dans le décor mènerait hors course. Il faut suivre le devant qui suit aussi, je le sens, son devant.
Le silence berce les corps. Résonnent quelques éclats. " attention !" "ruisseau !". Encore.
ma montre scande les kilomètres. Concentrée sur ce chemin si étroit, attentive à baisser la tête devant les arbres qui se referment, l'esprit éveillé juste assez pour éviter au sortir d'une épingle à cheveux, de verser dans un fossé d'où j'aurais du mal à m'extirper.
Un coureur malgré une méchante crampe, rit les fesses plantées dans la glaise. Ses coéquipiers se sont arrêtés pour lui.
Celui là les mains dans la terre cherche à tâtons sa montre perdue. Je sors de 500 mètres marchés afin de récupérer. Coup de fatigue du 17 ème.
Regard circulaire, avant qu'un troupeau ne vienne la piétiner, je récupère la Garmin condamnée à l'ensevelissement. Le clin d'oeil est suffisant. Sourire au naufragé du GPS et je redémarre.
Je ne marcherai plus. Persuadée de me relancer sur 7 kilomètres restants, je double des coureurs de la boucle du 12 kilomètres qui semblent étrangement épuisés !
Et pour cause.
Nous descendons vers Lévignac !
Déjà.
Je doute encore quand une main se pose sur mon épaule.
" On finit au sprint ? Tu peux le faire !"
Est ce qu'il est d'autres situations, de ces parenthèses si difficilement exprimables, où ton voisin, peu importe qui il est, te prend par la main et en un mot, se porte garant d'un plaisir indicible ?
Je doute encore quand il m'assure qu'il reste moins d'un kilomètre.
Je fais confiance.
Et j'accélère.
Je me souviens de ce tunnel forestier sombre et pourtant si rassurant.
De ces lumières chaloupées, de ces encouragements, des jurons, mais des rires souvent, portés par une nuit d'hiver opaque et si étrangement chargée d'ardeur.
Je me souviens comme j'ai eu froid, soudainement arrêtée, malgré les visages lumineux au dessus des corps crasseux. Je me souviens comme il est bon de se savoir capable d'une telle traversée, frustrée un peu, d'avoir tronqué sans le vouloir, la boucle promise.
J'ai parcouru 21 kilomètres nocturnes de boue, de ruisseaux et de sous bois en 2 heures et 32 minutes.
Je n'ai aucune idée de mon classement. Il ne veut rien dire.
Ce qui compte c'est de s'étonner, comme à chaque course, que des passionnés puissent vous faire vivre de tels moments. Des parenthèses de sport, d'amitié et de fierté partagés.
Vent debout
pour une jolie humanité.
Crédit Photos Running Trail
et Running Mag. MERCI.
…Un pied de soldat inconnu qui résume bien la course ;)
Parce que mes pieds sont têtus.
lundi 9 février 2015
lundi 19 janvier 2015
De boue en bout trail nocturne
Ce n'est pas raisonnable je sais.
me voilà déjà en prépa marathon. Travail de VMA.
Mais c'est la saison de la boue. Et je voulais savoir si j'y suis à glaise .
Je m'y oins crescendo. Trail des berges. Boueux.
avant-hier, trail des rois de Villemur-sur-Tarn. Boue. Heu. Boueux plus.
Bientôt la Forest. Le plat de consistance.
La nuit neutralise les appréhensions. Elle exacerbe même l' instinct de boue-garou qui sommeille chez le traileur.
Les loupiotes s'impatientent, sautillent sur le départ. Le vin s'échauffe. Il sera prêt, à la louche pour les premiers glaiseux, les têtes de classe, dans une heure.
Je suis novice. Je m'élance sans crainte, essayant d'appliquer les conseils des grands en me propulsant à bonne allure sur les deux premiers kilomètres de bitume.
La sélection naturelle se fait dès les berges du Tarn, jolies vicieuses.
Le fun commence ici.
Les boucles ponctuées d'escaliers sont animées par un village amusé. C'est la première version nocturne de la course et le traileur fait sortir le curieux de sa coquille chaude.
Je me retrouve rapidement au coeur d'un petit peloton exclusivement masculin. Nous courons boue contre boue sur une valse de 11 kilomètres de chemins bourrés d'ornières, de descentes hasardeuses et de montées silencieuses.
Les jurons accompagnent parfois les chutes souvent cocasses, aucun n'est épargné. Je découvre le plaisir de penser sa trace. Sans visibilité, le choix est cornélien. Coller à la semelle ou se détourner. Choisir la sécurité toute relative du tracé du coureur qui nous devance, ou tenter une échappée au risque de choir dans le fossé.
Le rythme me convient, je ne force jamais, peine comme mes compagnons de galère et jubile les descentes parfois à la limite du raisonnable.
Béni soit le fractionné. La montée bitumée de milieu de parcours ne m'arrête pas. Elle me fait gagner les places perdues sur les chemins. L'asphalte me repose, me donne le souffle nécessaire pour la nouvelle bourrée du Rouergue.
Le bénévole nous redonne des ailes sur chaque bifurcation - souvent en épingle à cheveux - Chapeau à eux, sous cette pluie fine, le confort leur est bien relatif.
La descente sur le village éclairé pour l'occasion me laisse présager de l'émerveillement ressenti par les mangeurs de dénivelé, au terme d'une nuit de grimpette. Petite ivresse de la nuit et du devoir bien accompli.
Le local jovial colle un vin bouillant entre mes mains pâteuses. Et la lumière fut.
Je constate ébahie que je suis la septième féminine à arriver. Première vétéran 1.
14 km / 1h31
Podium.
Je ne risque pas de bouder…mon plaisir !
Photo escalier Running Mag
me voilà déjà en prépa marathon. Travail de VMA.
Mais c'est la saison de la boue. Et je voulais savoir si j'y suis à glaise .
Je m'y oins crescendo. Trail des berges. Boueux.
avant-hier, trail des rois de Villemur-sur-Tarn. Boue. Heu. Boueux plus.
Bientôt la Forest. Le plat de consistance.
La nuit neutralise les appréhensions. Elle exacerbe même l' instinct de boue-garou qui sommeille chez le traileur.
Les loupiotes s'impatientent, sautillent sur le départ. Le vin s'échauffe. Il sera prêt, à la louche pour les premiers glaiseux, les têtes de classe, dans une heure.
Je suis novice. Je m'élance sans crainte, essayant d'appliquer les conseils des grands en me propulsant à bonne allure sur les deux premiers kilomètres de bitume.
La sélection naturelle se fait dès les berges du Tarn, jolies vicieuses.
Le fun commence ici.
Les boucles ponctuées d'escaliers sont animées par un village amusé. C'est la première version nocturne de la course et le traileur fait sortir le curieux de sa coquille chaude.
Je me retrouve rapidement au coeur d'un petit peloton exclusivement masculin. Nous courons boue contre boue sur une valse de 11 kilomètres de chemins bourrés d'ornières, de descentes hasardeuses et de montées silencieuses.
Les jurons accompagnent parfois les chutes souvent cocasses, aucun n'est épargné. Je découvre le plaisir de penser sa trace. Sans visibilité, le choix est cornélien. Coller à la semelle ou se détourner. Choisir la sécurité toute relative du tracé du coureur qui nous devance, ou tenter une échappée au risque de choir dans le fossé.
Le rythme me convient, je ne force jamais, peine comme mes compagnons de galère et jubile les descentes parfois à la limite du raisonnable.
Béni soit le fractionné. La montée bitumée de milieu de parcours ne m'arrête pas. Elle me fait gagner les places perdues sur les chemins. L'asphalte me repose, me donne le souffle nécessaire pour la nouvelle bourrée du Rouergue.
Le bénévole nous redonne des ailes sur chaque bifurcation - souvent en épingle à cheveux - Chapeau à eux, sous cette pluie fine, le confort leur est bien relatif.
La descente sur le village éclairé pour l'occasion me laisse présager de l'émerveillement ressenti par les mangeurs de dénivelé, au terme d'une nuit de grimpette. Petite ivresse de la nuit et du devoir bien accompli.
Le local jovial colle un vin bouillant entre mes mains pâteuses. Et la lumière fut.
Je constate ébahie que je suis la septième féminine à arriver. Première vétéran 1.
14 km / 1h31
Podium.
Je ne risque pas de bouder…mon plaisir !
Photo escalier Running Mag
dimanche 11 janvier 2015
CAP espérance
Passées les laborieuses premières fois, quand le souffle s'apaise, quand le moteur est rodé. Lorsque les jambes ne souffrent plus et que le coeur ne s'emballe pas. Passés ces moments de doute, de pourquoi et de comment, quand la bascule se fait et qu'on relève la tête en s'avouant enfin qu'on aime.
Quand je cours et qu'enfin je vois.
L'horizon sort du cadre et me donne un choix.
Si je veux j'ouvre les yeux. Je souris aux gens, je sollicite le regard du passant. D'un infime signe je lui fait comprendre qu'il ne m'est pas indifférent, qu'il est de passage sur ma ligne de vie et que je l'aime pour cela. Il partage ma route, une foulée en commun, il est de mon paysage, visage fulgurant oublié si vite la plupart du temps, mais le fait seulement d'avoir traversé mon champ de vision au moment où je n'avais comme seule préoccupation de n'avoir qu'à regarder, suffit à faire de lui un hôte de ma vie.
Si je veux je me ferme.
Je fais le vide d'atmosphère et je gravite dans un univers qui n'appartient qu'à moi.
Si je veux je pense.
Je pense à moi. Les maux surgissent, troublants et mauvais, déformés par l'égocentrisme qui fait enfler comme une peste tous les grains de sable de la machine à aimer. Si je m'écoute, je m'arrête.
Si je veux je me referme. En apparence.
Si je veux je pense.
Le monde prend une place infinie avec ce qu'il a de plus beau, mais de plus laid aussi.
Parce que courir c'est prier. Pour moi ça l'est.
Prenez le comme vous voudrez. Mon histoire de course est liée à la force venue d'une âme.
Quand je cours je suis tout le monde. Je suis ceux qui vont mal, je suis ceux qui jubilent, je suis ceux qui crèvent et je suis ceux qui luttent.
S'indigner est juste cause. Mais les mots peuvent tuer, comme les images mille fois repassées sur des écrans assassins imposés aussi à des âmes en loques.
Hier des blessés. Victimes de barbarie, aujourd'hui à peine relevés, qu'une armée de justes soutient, patiemment démontrant qu'une fenêtre ouvre parfois sur du beau. En quelques heures, moins, fauchés par l'horreur des traumatiques souvenirs étalés, encore, encore, encore.
Aujourd'hui comme hier, courir me donne à être. Je m'indigne en silence, j'espère en un souffle.
Courir est mon cri. Une profession de vie.
Quand je cours et qu'enfin je vois.
L'horizon sort du cadre et me donne un choix.
Si je veux j'ouvre les yeux. Je souris aux gens, je sollicite le regard du passant. D'un infime signe je lui fait comprendre qu'il ne m'est pas indifférent, qu'il est de passage sur ma ligne de vie et que je l'aime pour cela. Il partage ma route, une foulée en commun, il est de mon paysage, visage fulgurant oublié si vite la plupart du temps, mais le fait seulement d'avoir traversé mon champ de vision au moment où je n'avais comme seule préoccupation de n'avoir qu'à regarder, suffit à faire de lui un hôte de ma vie.
Si je veux je me ferme.
Je fais le vide d'atmosphère et je gravite dans un univers qui n'appartient qu'à moi.
Si je veux je pense.
Je pense à moi. Les maux surgissent, troublants et mauvais, déformés par l'égocentrisme qui fait enfler comme une peste tous les grains de sable de la machine à aimer. Si je m'écoute, je m'arrête.
Si je veux je me referme. En apparence.
Si je veux je pense.
Le monde prend une place infinie avec ce qu'il a de plus beau, mais de plus laid aussi.
Parce que courir c'est prier. Pour moi ça l'est.
Prenez le comme vous voudrez. Mon histoire de course est liée à la force venue d'une âme.
Quand je cours je suis tout le monde. Je suis ceux qui vont mal, je suis ceux qui jubilent, je suis ceux qui crèvent et je suis ceux qui luttent.
S'indigner est juste cause. Mais les mots peuvent tuer, comme les images mille fois repassées sur des écrans assassins imposés aussi à des âmes en loques.
Hier des blessés. Victimes de barbarie, aujourd'hui à peine relevés, qu'une armée de justes soutient, patiemment démontrant qu'une fenêtre ouvre parfois sur du beau. En quelques heures, moins, fauchés par l'horreur des traumatiques souvenirs étalés, encore, encore, encore.
Aujourd'hui comme hier, courir me donne à être. Je m'indigne en silence, j'espère en un souffle.
Courir est mon cri. Une profession de vie.
lundi 29 décembre 2014
Ce petit chemin - Ode au jogging intuitif
Le frais soleil d'hiver jette quelques timides éclaboussures sur le ciel ardoisé de fin de jour.
J'ai lu l'après-midi. Paresseuse journée d'entre deux ans.
La télévision regarde mes enfants chiffons.
Je ne manque à personne.
Je sors.
J'ai enfilé un collant mi-long, pris les gants, un buff.
Une virgule d'hésitation. Je chausse mes routières.
Peu de trafic. J'irai au large en plus. Le citoyen fait la grève du loisir. Il se réserve pour le second service.
Les pinces du grand froid se cognent rapidement à mon moteur.
La machine running est hors gel en quelques foulées. Les oreilles au chaud sous un cocon de Daho.
J'emprunte machinalement une route habituée à croiser les cases de mes tableaux d'entraînement.
Si je monte au point B en partant de la base A tant de montée, ça de kilomètres équivaut à X d'effort.
Trêve.
L'entre-deux ans.
Le goudron susurre à mes orteils de n'en faire qu'à leur tête.
Je bifurque dans le petit chemin et je fais valser la chaîne des plans bien tracés.
La ville disparaît. Cronos et Gaïa font basculer mon terrain de jeu du bout de leurs sandalettes.
Il n'est plus si tard. Il n'est pas trop tôt.
La lumière tatoue de mouchetures ma rétine presque voilée.
Je suis le chemin pavé de fauves, chaque feuille morte est une enluminure et l'oreille délestée du casque capte les rayures, gargouillis, et frottements du sous bois soupirant.
Erreur de casting sur le rôle vedette de la chaussure.
Je patine en pachyderme sur un terrain glissant et je hoquette par dessus le ruisseau qui s'infiltre sous le spongieux tapis bruni.
Je flotte.
Le ciel fuligineux s'auréole de dorures. Je tourne et bifurque à chaque occasion pour pousser ma trotte au bout des chemins, savourant cette solitude moelleuse et silencieuse.
A la première habitation, le gravât du chemin se fait plus cassant. Le charme est rompu, Gaïa ne joue plus.
J'ajuste mon cache-col, visse des basses rythmées à mes oreilles, passe la cinquième.
Quelqu'un a colorié le paysage en monochrome, et les nuages bas me postillonnent au visage en grondant.
J'arrive au moment où le plafond se fend, bariolant la route d'éclaboussures moirées d'hydrocarbures.
Le petit bois s'est refermé sur ma respiration, badigeonnant d'un trait versicolore les soupirs honteusement énamourés d'une mangeuse de bitume.
J'ai lu l'après-midi. Paresseuse journée d'entre deux ans.
La télévision regarde mes enfants chiffons.
Je ne manque à personne.
Je sors.
J'ai enfilé un collant mi-long, pris les gants, un buff.
Une virgule d'hésitation. Je chausse mes routières.
Peu de trafic. J'irai au large en plus. Le citoyen fait la grève du loisir. Il se réserve pour le second service.
Les pinces du grand froid se cognent rapidement à mon moteur.
La machine running est hors gel en quelques foulées. Les oreilles au chaud sous un cocon de Daho.
J'emprunte machinalement une route habituée à croiser les cases de mes tableaux d'entraînement.
Si je monte au point B en partant de la base A tant de montée, ça de kilomètres équivaut à X d'effort.
Trêve.
L'entre-deux ans.
Le goudron susurre à mes orteils de n'en faire qu'à leur tête.
Je bifurque dans le petit chemin et je fais valser la chaîne des plans bien tracés.
La ville disparaît. Cronos et Gaïa font basculer mon terrain de jeu du bout de leurs sandalettes.
Il n'est plus si tard. Il n'est pas trop tôt.
La lumière tatoue de mouchetures ma rétine presque voilée.
Je suis le chemin pavé de fauves, chaque feuille morte est une enluminure et l'oreille délestée du casque capte les rayures, gargouillis, et frottements du sous bois soupirant.
Erreur de casting sur le rôle vedette de la chaussure.
Je patine en pachyderme sur un terrain glissant et je hoquette par dessus le ruisseau qui s'infiltre sous le spongieux tapis bruni.
Je flotte.
Le ciel fuligineux s'auréole de dorures. Je tourne et bifurque à chaque occasion pour pousser ma trotte au bout des chemins, savourant cette solitude moelleuse et silencieuse.
A la première habitation, le gravât du chemin se fait plus cassant. Le charme est rompu, Gaïa ne joue plus.
J'ajuste mon cache-col, visse des basses rythmées à mes oreilles, passe la cinquième.
Quelqu'un a colorié le paysage en monochrome, et les nuages bas me postillonnent au visage en grondant.
J'arrive au moment où le plafond se fend, bariolant la route d'éclaboussures moirées d'hydrocarbures.
Le petit bois s'est refermé sur ma respiration, badigeonnant d'un trait versicolore les soupirs honteusement énamourés d'une mangeuse de bitume.
lundi 22 décembre 2014
Je voulais vous dire…merci pour (mes) ailes !
Ces pages se sont ouvertes au commencement de mon aventure marathon.
Elles s'orientent sur d'autres horizons, mais je voulais vous dire…
Merci.
Pour votre écoute, vos bras ouverts.
Pour vos questions et pour vos dons.
Pour l'exemple, l'impulsion et l'allant.
Pour les ailes brisées et les familles éprouvées, merci pour elles.
Général Jacops, colonel Govin, colonel Duhar, et l'ensemble du conseil d'administration de l'Entraide Parachutiste, merci !
- Vos dons pour les blessés des familles de militaires parachutistes sont toujours les bienvenus ici ! -
Elles s'orientent sur d'autres horizons, mais je voulais vous dire…
Merci.
Pour votre écoute, vos bras ouverts.
Pour vos questions et pour vos dons.
Pour l'exemple, l'impulsion et l'allant.
Pour les ailes brisées et les familles éprouvées, merci pour elles.
Général Jacops, colonel Govin, colonel Duhar, et l'ensemble du conseil d'administration de l'Entraide Parachutiste, merci !
- Vos dons pour les blessés des familles de militaires parachutistes sont toujours les bienvenus ici ! -
lundi 15 décembre 2014
Une minute en miette. 10 kilomètres et un record perso dedans.
Les voix sur le côté crient et encouragent.
"allonge !"
Tu veux.
Je lutte contre mon chrono. Ne jamais passer sous les 12 kilomètres/ heure. Jamais.
Je veux m'accrocher à l'espoir d'un 45 minutes.
Un verrou sauté avant même d'imaginer pouvoir le faire valser.
Je n'avais pas prévu de m'inscrire à ce 10.
J'ai vu de la lumière. Alors je suis rentrée.
Seconde Ronde de Ramonville.
On me le vend comme plat, roulant, certifié. Je signe.
"J'y vais décomplexée" je lance aux copines.
Tu parles.
D'autres me mettent au défi.
Tu es capable dit l'un.
Ne force pas. Dit l'autre. En rajoutant tout bas "4 minutes 40 au kilomètre, tu peux tenir".
Je n'ai fait aucune séance spécifique depuis mon marathon.
Ce n'est pas ce qui compte.
Ce qui porte vraiment, c'est l'espoir. Le rêve un peu fou de passer chez les "moins de 45". C'est la couleur de l'oeil du voisin déjà fixé sur l'arrivée. C'est la chaleur invraisemblable du coeur du peloton qui attend, c'est la certitude de n'en être qu'au tout début.
Second 10 kilomètres officiel.
Le premier, contre toute attente m'avait hissé à la troisième marche du podium V1F, mais le chronomètre officiel avait hoqueté, et je n'ai jamais su mon temps réel. 50 minutes, à tout casser.
Le niveau n'était pas franchement élevé.
Ici ça vrombit. Le carré des dragsters piaffe déjà, je me planque dans les roues j'ai peur de partir trop vite et je pars trop vite.
Deux kilomètres à me sermonner sur mon allure trop rapide. 8 kilomètres à accrocher plus mal que bien les 13, 5 kilomètres à l'heure.
Le ravito sur un 10 . Une plaisanterie pour débutants ! En particulier sous ces températures très fraîches.
6 ème kilomètre. Le ravi du verre d'eau, c'est moi !
Je vénère le pauvre fond de flotte dans son gobelet de plastique que me tend la déesse bénévole.
Bon.
J'étais partie trop vite aussi.
Elle est vicieuse bien comme il faut la petite montée du 8ème.
La casse pattes qui fait la différence. Elle laisse de côté les sans jambes qui s'accrochent à leur cardio. Faux-plat ridicule sur les 300 mètres desquels s'émiettent les secondes de la minute de trop.
Je peste pour la forme. 46 minutes et trois secondes.
Je le sais, en 26 mois de course à pied, ce n'est pas rien.
Et puis.
Je l'aurai bientôt.
Je l'aurai.

"On ne se doute pas comme c'est long une minute" Flaubert - Et mes pieds sont têtus :) -
"allonge !"
Tu veux.
Je lutte contre mon chrono. Ne jamais passer sous les 12 kilomètres/ heure. Jamais.
Je veux m'accrocher à l'espoir d'un 45 minutes.
Un verrou sauté avant même d'imaginer pouvoir le faire valser.
Je n'avais pas prévu de m'inscrire à ce 10.
J'ai vu de la lumière. Alors je suis rentrée.
Seconde Ronde de Ramonville.
On me le vend comme plat, roulant, certifié. Je signe.
"J'y vais décomplexée" je lance aux copines.
Tu parles.
D'autres me mettent au défi.
Tu es capable dit l'un.
Ne force pas. Dit l'autre. En rajoutant tout bas "4 minutes 40 au kilomètre, tu peux tenir".
Je n'ai fait aucune séance spécifique depuis mon marathon.
Ce n'est pas ce qui compte.
Ce qui porte vraiment, c'est l'espoir. Le rêve un peu fou de passer chez les "moins de 45". C'est la couleur de l'oeil du voisin déjà fixé sur l'arrivée. C'est la chaleur invraisemblable du coeur du peloton qui attend, c'est la certitude de n'en être qu'au tout début.
Second 10 kilomètres officiel.
Le premier, contre toute attente m'avait hissé à la troisième marche du podium V1F, mais le chronomètre officiel avait hoqueté, et je n'ai jamais su mon temps réel. 50 minutes, à tout casser.
Le niveau n'était pas franchement élevé.
Ici ça vrombit. Le carré des dragsters piaffe déjà, je me planque dans les roues j'ai peur de partir trop vite et je pars trop vite.
Deux kilomètres à me sermonner sur mon allure trop rapide. 8 kilomètres à accrocher plus mal que bien les 13, 5 kilomètres à l'heure.
Le ravito sur un 10 . Une plaisanterie pour débutants ! En particulier sous ces températures très fraîches.
6 ème kilomètre. Le ravi du verre d'eau, c'est moi !
Je vénère le pauvre fond de flotte dans son gobelet de plastique que me tend la déesse bénévole.
Bon.
J'étais partie trop vite aussi.
Elle est vicieuse bien comme il faut la petite montée du 8ème.
La casse pattes qui fait la différence. Elle laisse de côté les sans jambes qui s'accrochent à leur cardio. Faux-plat ridicule sur les 300 mètres desquels s'émiettent les secondes de la minute de trop.
Je peste pour la forme. 46 minutes et trois secondes.
Je le sais, en 26 mois de course à pied, ce n'est pas rien.
Et puis.
Je l'aurai bientôt.
Je l'aurai.

"On ne se doute pas comme c'est long une minute" Flaubert - Et mes pieds sont têtus :) -
jeudi 4 décembre 2014
Les boueuses berges de la Garonne
- Parfaitement madame la Marquise -
Je savais à quoi m'en tenir.
S'il n'avait plus plu depuis quelques heures, il avait tout de même plu plusieurs fois dans la semaine.
Et ça allait patauger. Forcément.
Plus d'un mois après le marathon, je commence à piaffer. Il est trop tôt pour forcer. Je suis là pour me frotter à un terrain instable. Je sors de mes lignes droites rabâchées, de mon cardio impeccable.
Je suis une routière. C'est indéniable. Mais j'aime le chemin qui me confronte à l'anarchie des mouvements.
Ornières, escaliers, changements de direction, chemins, talus, boue, herbe, gravier, autant de façons de poser le pied, autant de situations que l'esprit doit analyser pour que le corps se sente en confiance.
Nous avons chacun notre façon de courir.
Les bulldozers tracent. Ils travaillent leur résistance physique à coup d'exercices de renforcement musculaire et ont assez de tonus pour passer en force.
Sur un trail de court distance, c'est à mon sens la meilleure façon de faire.
Partir vite, ne pas se poser de question sur le terrain. Aller au plus court. Droit devant.
J'en suis loin.
Courir c'est être stratégique.
Il faudrait que je sois capable de partir vite.
C'est pas gagné. Mon expérience de départ trop rapide sur le Trail urbain me fait tourner sept fois l'aire motrice du cortex frontal sous la casquette.
Si les jambes ne suffisent pas, il va falloir doubler.
Doubler sur monotrace. La bonne blague.
Mes chaussettes longues sont mes complices.
J'Harpic à la lettre ma volonté de fluidifier et je débouchonne.
Trace dans les orties du bas côté. Mais l'embouteillage est derrière moi.
Pieds joints dans les flaques.
Mes Salomon hybrides tiennent la route mais je m'offrirai des Speedcross 3 pour mes prochains trails - et en particulier pour la Forest qui se court de nuit et dont le terrain est, parait-il, ravagé et détrempé -
Sur la suite du trail, je maintiens le cap. Plutôt en force. Un oeil sur mon allure pour tenir une moyenne de 5' 20", et des tentatives fructueuses ou vaines pour accrocher les traileuses qui me devancent.
J'aime ce nouveau parcours. Plus réjouissant que l'an dernier. Il intègre des escaliers qui font travailler les reprises et le tracé est plus logique, moins tortueux.
L'an dernier, comme un pied de nez du staff, on jouait à chat autour du point d'arrivée, un tour de rab de boue - chon - L'art de nous faire ronchonner - Cette année, place à l'efficacité d'un tracé net et sans bavure. Un escalier pour la gloire et tapis rouge .
Bref, je gagne 18 minutes sur mon chrono 2013 et je termine les 16 km du Trail Urbain Toulousain en 1h 25' 55", satisfaite du temps, un peu moins de ma capacité pulmonaire : Je souffle comme un bluffe.
Moralité.
Pour t'élever, à coup de berges, -en- traine toi dans la boue.
Sont fous ces traileurs.
Photo Running Mag
Je savais à quoi m'en tenir.
S'il n'avait plus plu depuis quelques heures, il avait tout de même plu plusieurs fois dans la semaine.
Et ça allait patauger. Forcément.
Plus d'un mois après le marathon, je commence à piaffer. Il est trop tôt pour forcer. Je suis là pour me frotter à un terrain instable. Je sors de mes lignes droites rabâchées, de mon cardio impeccable.
Je suis une routière. C'est indéniable. Mais j'aime le chemin qui me confronte à l'anarchie des mouvements.
Ornières, escaliers, changements de direction, chemins, talus, boue, herbe, gravier, autant de façons de poser le pied, autant de situations que l'esprit doit analyser pour que le corps se sente en confiance.
Nous avons chacun notre façon de courir.
Les bulldozers tracent. Ils travaillent leur résistance physique à coup d'exercices de renforcement musculaire et ont assez de tonus pour passer en force.
Sur un trail de court distance, c'est à mon sens la meilleure façon de faire.
Partir vite, ne pas se poser de question sur le terrain. Aller au plus court. Droit devant.
J'en suis loin.
Courir c'est être stratégique.
Il faudrait que je sois capable de partir vite.
C'est pas gagné. Mon expérience de départ trop rapide sur le Trail urbain me fait tourner sept fois l'aire motrice du cortex frontal sous la casquette.
Si les jambes ne suffisent pas, il va falloir doubler.
Doubler sur monotrace. La bonne blague.
Mes chaussettes longues sont mes complices.
J'Harpic à la lettre ma volonté de fluidifier et je débouchonne.
Trace dans les orties du bas côté. Mais l'embouteillage est derrière moi.
Pieds joints dans les flaques.
Mes Salomon hybrides tiennent la route mais je m'offrirai des Speedcross 3 pour mes prochains trails - et en particulier pour la Forest qui se court de nuit et dont le terrain est, parait-il, ravagé et détrempé -
Sur la suite du trail, je maintiens le cap. Plutôt en force. Un oeil sur mon allure pour tenir une moyenne de 5' 20", et des tentatives fructueuses ou vaines pour accrocher les traileuses qui me devancent.
J'aime ce nouveau parcours. Plus réjouissant que l'an dernier. Il intègre des escaliers qui font travailler les reprises et le tracé est plus logique, moins tortueux.
L'an dernier, comme un pied de nez du staff, on jouait à chat autour du point d'arrivée, un tour de rab de boue - chon - L'art de nous faire ronchonner - Cette année, place à l'efficacité d'un tracé net et sans bavure. Un escalier pour la gloire et tapis rouge .
Bref, je gagne 18 minutes sur mon chrono 2013 et je termine les 16 km du Trail Urbain Toulousain en 1h 25' 55", satisfaite du temps, un peu moins de ma capacité pulmonaire : Je souffle comme un bluffe.
Moralité.
Pour t'élever, à coup de berges, -en- traine toi dans la boue.
Sont fous ces traileurs.
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