Parce que mes pieds sont têtus.
Hep ! pssss.
Hier alors que je préparais mon plan marathon troisième du nom, j'me suis dit:
Si j'allais donner mon sang ?
Allez-y les gens.
Donner du sang sauve des vies !
Que vous soyez en vacances ou au travail, en pause running ou en prépa. Prenez une heure de votre temps.
Vous êtes sportifs, en bonne santé, et je le sais parce que vous êtes coureur, vous êtes valeureux, chaleureux, combatif et consciencieux !
Donnez une heure. Le temps d'un footing. Le temps de rien. Juste le temps de faire du bien.
Visualisez en un clic tous les établissements ICI
-Et téléchargez l'application ludique, pratique et facile sur votre mobile ! -
Et vous les Parisiens, lorsque vous aurez terminé d'applaudir chaudement nos militaires, filez vers les Invalides, face au terminal Air France pour donner votre sang aux blessés de guerre !
Bon 14 juillet !
100 pour sang citoyens !
L'été cogne contraignant le repos forcé.
Le boulot presse contraignant le temps plus que compté.
Il est d'usage de tirer un trait sur une saison.
32 mois de course à pied. Deux terrains de jeu: Paris puis Toulouse. En septembre je prendrai Cher.
Je ne sais pas vraiment où j'en suis ni sur quel pied entamer la foulée de la saison du juste après.
Ce que je sais c'est que j'ai travaillé et donc progressé.
L'été dernier je sentais poindre la subtile angoisse du futur marathonien, pressée d'en découdre mais pas si sûre finalement d'avoir misé sur le bon cheval: En l'occurrence ma pomme.
J'ai commencé la course en octobre 2012 à cause d'un punaise de chouette bouquin (clic).
J'ai commencé la course en octobre 2012 sans réfléchir au pourquoi du comment, en bloc et sans subtilité de la progression réfléchie et rassurante du débutant, pour hurler un bon coup sur une péripatétipute de maladie qui fait bien suer mon amie ma prunelle.
J'y suis allée franco. Premiers pas. Semi 5 mois plus tard.
Je ne vais pas remonter le fil, mais comme pour beaucoup de choses ici, c'est du flux tendu au max. Tête dans le guidon.
Alors bon cette année, il y a eu ce fameux premier marathon. C'était pour souffler mes tout pile deux ans de course, et je dois dire que j'ai été plus que gâtée. 42,195 kilomètres dans le "Flow", un état proche de l'Ohio , que certains prennent pour une légende du coureur urbain, viens m'en causer je te dirais comment c'est de courir au Nirvana en buvant - je le jure- que de l'eau - et un peu de bière. (clic pour le CR )
Alors bon, j'avais aussi préparé le truc de façon quasi mathématique, et j'avais une espèce d'étoile qui ne m'a jamais fait quitter du regard les fondamentaux d'une prépa je dois dire astronomique. Bilan 3h 52 pour le marathon de Toulouse. Et si le gus au micro ne m'avait pas sommé de piler en plein milieu de ce tapis rose étalé sur le pavé du Capitole, bah j'aurais refait un tour de manège sans passer au stand.
Ni une ni deux alors, je signe pour la saison 2015. Ce sera Paris.
Deux semis et quelques petits trails pour changer entre deux.
Le chemin me cause bien d'ailleurs cette année, et je tâte de la frontale deux fois, toujours euphorique. La nuit me protège, j'y oublie mon chrono et je cours au nez, le résultat n'est pas mauvais, et la Forest trail (clic) finira de me convaincre. Courir de nuit, sous des températures négatives et passer quelques buses pour la forme, un rien m'amuse !
Paris en liesse au printemps. Je me laisse porter. Concentrée, comme sur mon premier marathon, je traverse la capitale comme le Grand Charles à la parade: Libérée, délivrée, d'une prépa chronométrée, et je pulvérise mon temps avec un sublime 3h38 sans aucune douleur. (clic )
Je monte trois podiums. Pas difficile. Une petite course, dix pissouzes qui se bousculent et hop, première V1. Sauf que le trail urbain me pousse, aidée par des lièvres plus que performants, je rafle une troisième place au général féminin. Le métier rentre. (clic )
Première claque aussi. Il en faut.
Une fin d'année sur les rotules. Du travail plus qu'il n'en faut, quelques soucis personnels et un déménagement qui se digère mal. Débutante qui veut se faire plus rapide que Bekele, je crame mes dernières volontés et me cogne au mur. Pitoyable 10 km ( clic) qui me vaut un podium tout de même mais une belle soupe à la grimace surtout, je clos la saison. Je ne suis pas un robot.
L'été sans réelles vacances me verra chausser des pneus neufs - Ravito chez I-run , maison mère à Toulouse, toujours de bon conseil - Asics Kayano 21 pour tenter d'accrocher 3h30 sur le marathon de Lyon début octobre, mais aussi pour rallier Marseille à Cassis, dossard offert par France Bleu.
Des amuses gueules.
Le plat de résistance se servira froid et en Hoka, pour mieux flirter avec la lune.
Saintélyon pour point d'orgue de ma 3 ème année en baskets. Nuit, solitude, rentrer dans le dur. Introspection puis jubilation.
Ma quatrième année de course à pied ouvrira les vannes de l'ultra.
…La deuxième étoile à droite, et tout droit jusqu'au matin.
Hop une photo rafraîchissante et l'un de mes plus joli moment d'entraînement dans un Toulouse blanc.
J'arrive après le kilomètre 5. Je tourne au virage. Je connais des gens. je ne veux pas qu'ils me voient.
Je tourne. Et je m'arrête.
22 minutes et 42 secondes de course.
J'ai déjà heurté de plein fouet une première muraille. Ravitaillement en eau au troisième kilomètre. 13 minutes 24 secondes. Panne sèche. Une minute d'arrêt.
Je suis debout sur ce podium, récompensée pour ma première place de V1 F. Je suis une imposture.
Je n'ai pas couru un dix. J'ai fait 5 courses.
5 fractionnés.
Festive corrida de Cugnaux. Petite course au grand coeur.
Ma dernière sur la région.
Je croise ces coureurs qui m'ont accueillie avec amitié. Les visages deviennent familiers. C'est à ce moment là que je pars.
Vie nomade. On profite, on s'attache et puis on plie bagage.
Fête au bourg. Les enfants ont couru. Ma filoute exhibe sa médaille. Un sourire Margote ! Bravo les enfants ! Apprenez le goût de l'effort, affûtez votre esprit de compétition. Soyez justes, loyaux mais hissez haut !
Les coureurs du 5 partent en trombe. Une distance qui me fait peur. Pas le cran de m'y aligner.
Il faut tout y donner. Aucune hésitation. Un duel entre soi et la grande aiguille qui trotte à une vitesse vertigineuse. Je hurle pour pousser les premiers qui déboulent à 17 km/h. C'est impressionnant. Un peu effrayant, vraiment étourdissant.
Les esprits s'échauffent, je me repasse en boucle les conseils de mes amis coureurs.
verrouille ta course. Fait monter le tempo. Pas trop vite. Dégage toi sur la première ligne droite, prend le premier virage et stabilise. 4' 30. Tout le long. Sur le dernier, lâche les chevaux. Promenade de santé. 45 minutes à portée de foulées.
Oui mais.
Emportée par la foule… J'avale mon premier kilomètre en 4 minutes. Il me faut deux kilomètres de plus pour me jeter tête baissée dans la façade en béton armé qui cache ma fatigue de ces derniers jours.
Blackout total. Je ris nerveusement en laissant passer le flot. J'entends les encouragements que les perplexes me lancent.
Je recolle les morceaux de motivation en quelques longues et pénibles secondes. Par fierté plus que par conviction, machinalement je relance.
Point de départ. Deuxième boucle. Ceux qui me connaissent ont compris. Je traîne mon rêve de chrono dans les lambeaux de ma foulée qui grince. Je me rabats une nouvelle fois sur le bas-côté.
Arrête le massacre. Continue. Arrête je te dis ! continue ou cache toi. Mais ne reste pas plantée là ! Les secondes tombent. Sonores et alarmantes sur le chrono de ma montre. Il me suffit de presser le bouton rouge pour tout arrêter. Oublier cette course en miettes et déclarer forfait.
Sur 10. Qui le ferait ?! Je pense à la litanie de tous ces coureurs, croisés sur marathon, perdant une à une les pièces du moteur tandis que je doublais, totalement ignorante de la douleur que peut provoquer ce fameux mur, pérorant à qui voulait l'entendre qu'une course se maîtrise, qu'il n'est de douleurs que du fruit d'un travail bâclé, d'un début de course anarchique et d'une foulée en vrac.
Je pensais bien m'y cogner un jour dans ce mur.
Il reviendra je le sais. Mais pour l'heure il s'invite sur une promenade.
Parce que savoir le reconnaître, c'est aussi panser les plaies du départ. Encore une fois, je redémarre.
Flirtant avec la frontière du 12 km/h je raccroche doucement le peloton. Le plaisir vient enfin.
Les pieds réconciliés obéissent à mon esprit de compétition. Je suis 6 ème féminine. Je ne pense qu'à une chose: Passer au moins en 5 ème position.
Il me reste deux kilomètres. Rien.
Seconde après seconde je règle mon tempo sur l'objectif. Double la 5 ème. Il suffirait d'un rien pour qu'elle me fasse de l'ombre. Je ne me retourne pas. La 4 ème est dans le viseur. Je la doublerai à 500 mètres de la fin, sans autre joie aucune que de voir enfin la délivrance arriver.
46 minutes et 58 secondes. 2 minutes 30 immobile, à tergiverser. Soit 44' 28 de course active.
Je le sais que ce n'est pas rien.
Mais ce que je sais c'est que cela ne vaut rien. Ce n'était pas moi. Pas ma course, pas ce que j'avais préparé. C'était subi, désordonné, ridicule.
Je voulais un mur.
Je l'ai eu. Pas là où je l'attendais.
Repos maintenant. Entre deux cartons de déménagement et une montagne de travail.
En septembre j'attaque les choses sérieuses.
72 kilomètres à l'horizon décembre - Et pour ceux qui suivent "lastyliste" un joli projet en construction -
…Une promenade de santé ;)

Départ du drame en 5 actes. ( Photos Pierre Garaudet pour Running Mag )
- Bravo à Julie, en rose, 2 ème féminine en 44' 42 avec qui j'avais décidé de courir, accompagnée de Laurent ( le même lièvre aux petits oignons que sur le TUT ) avant que ma linotte de tête s'en mêle -
Photo Maud Pagèze pour Runningtrail
Pour info, je perds 55" sur mon record - Ici - couru avec autrement plus d'intelligence.
- Bonus coup de coeur à Jean-Marc encore, toujours si gentil et à cet inconnu venu me voir après la course pour me remercier d'avoir été son moteur sur ses trois derniers kilomètres. Yallah ! -
-J'essaie toujours de faire ce que je ne sais pas faire, c'est ainsi que j'espère apprendre à le faire - (Picasso)
La veille j'étais chafouin.
Un jour chiffon. Renfrognée, c'est pas juste, je m'fous de tout et patin-couffin.
Et en plus j'ai mal dormi, mon ongle s'est cassé et mon cheveu frisait et pas envie de rien.
A la rigueur courir un marathon. Le genre tout droit. Pas réfléchir. Atrabilaire solo: on dira que t'es super concentrée, rouge tomate, alors que tu fais du boudin.
En plusse.
La veille du marathon de Paris (clic) , l'air de rien dans les allées du salon, mon petit doigt me dit, c'est maintenant ou jamais. Je signe pour la Saintélyon.
La blague.
La volonté elle se bouscule. Tu veux ? Tu peux.
Première des persuasions: En deçà de 50 kilomètres, ta course, c'est pour les fillettes - méthode Coué-nne -
Alors bon. Vu comme ça. Ben je m'inscris au trail urbain Toulousain de 33 km.
Je ne sais pas si toi, mais moi je me souviens bien de la belette mouillée sortie de cette même course il y a un an tout pile.
Je n'en menais pas large. 3h 37 de misères. La preuve ici.
Alors cette année, je me dis. Ça sera pas pire. Au pire ça se fera et ça ne se saura pas.
Chaleur de gueux sur la prairie.
Je retrouve deux poteaux. Très jolie surprise. Jean-Marc le grand sage sur son biclou. Socquettes en titane. Et puis Laurent, venu en touriste, qui enrhume du monde dans un peloton, même en roue libre !
Deux gardes-du-corps. Mes garde-folle. Traquée avec amour.
Peu de fille. Deux ou trois championnes. Le joli linge s'aligne sur le 18 et sur le 9.
Je me sens bien. Ça change d'hier. C'est fête des mamans. Je m'offre un joli cadeau. Toulouse open-routes avec deux ouvreurs. Mieux qu'en limousine !
Le tracé est une surprise. J'ai repéré quelques chemins, je me doute de certains passages, mais j'ignorais avant le départ que nous partirions à l'inverse de l'an passé. La montée de Pech David se fera plein feu sous un soleil vicieux. Gare au mur !
Je bouscule mes premiers kilomètres. Aidée par le rythme de Laurent je colle au 5' au km, plus vite encore parfois. Je sais que c'est un peu rapide. J'exprime mes doutes à voix haute. Les hommes qui sont à ma hauteur m'encouragent déjà. Je parie sur un positionnement rapide et une course à l'épuisement contre les concurrents. Je suis partie pour un podium et si je mesure le professionnalisme des deux coureuses parties déjà loin devant, j'ignore les qualités de celles qui me succèdent.
Comme souvent en trail, je cours masculin. Bénévoles et concurrents sont au petit soin. Incalculables et adorables encouragements saisis au vol, avalés goulûment, mesurés et savourés. Jetés au passage comme une brassée de fleurs, envoyés comme une oeillade, un sourire ou des bravos.
Et Laurent qui papillonne. Retourne en arrière, me rassure sur mon avance. Ça va ? Pas trop rapide ? garde ton rythme, ça tourne, angle droit, on traverse. Tu es bien. Attend v'là les 18, et vas-y que je les course, et je reviens guilleret. Punaise ils vont vite les félins ! Il me lâchera à Rangueil faute de temps.
Mon second Saint Bernard me garde dans sa roue. Rassurant, il fait la trace et me mitraille ! Conseils bien ciblés. Juste assez. Bien dosés. J'ai fait connaissance avec cette figure de la CAP Toulousaine en plein marathon de Toulouse (clic ). Sorti du rang, alors que je flottais en pleine euphorie du kilomètre 30, on a tapé un brin de causette sur un bout de ligne azur, allure 5'20. Civilités, bonjour à la revoyure. Simplicité et amitié spontanée sur 1 ou 2 km de bitume urbain.
Larges allées, parcs, montées. Le soleil donne à plein. Savourer les ruelles étroites. Oasis ombragées. Trop vite sortis des ornières, plein feu sur la montée de l'observatoire. Je verrouille le rythme. Le temps d'une photo on replonge vers le centre. Le cimetière est passé sans m'enterrer. File prendre l'air du jardin des plantes. Les passerelles chaloupantes du Grand-Rond donnent la nausée. Ravitaillement et percussions, respiration avant de canaliser l'effort. L'eau stagnante fait la morte, les platanes n'ombragent même plus. Le canal retient sa respiration. Pauvre traileur. Il va souffrir !
A la rocade on bifurque. Dernière plongée dans le métro, des secondes de fraîcheur, malgré le casse-pattes en escalier. Antenne de Pech David dans le viseur. Chemin du vallon accroché sur la pointe. Peine perdue, la montée exposée crame les bonnes volontés. Quelques pas marchés ne changeront pas grand chose au tempo. Jean-Marc fidèle me rassure. Les coureurs éparses se cognent au dardant soleil. Il fait soif. Ça traîne la langue et ça tire la jambe.
Le sommet annonce la descente. Regain. Et ça file. On rentre au bercail ! Comme une sortie courte. Tu vois, ce n'était rien ! Juste un chameau de bosse !
Poudrerie. Presque explosée. Jean-Marc me fait la visite. "Bon là tu n'y vas pas toute seule hein ?! Y'a des montreurs d'ours ! " Il arrive à me faire rire. Et puis doucement, tout doucement, je raccroche le devant qui se meure. Le devant du devant se traîne aussi. Le suivant s'arrête, repart, accroche. Je limace à 5'40, 5'50, mais l'honneur est sauf. Mon adorable ouvreur file vers l'arrivée pour m'y cueillir.
Ma famille est là. Plaisir.
2h55
3 ème féminine au classement général.
Maman fait un podium. Course mesurée. Exercice difficile pour la maniaque de l'allure que je suis. Je fais mes gammes. Étoile décrochée. Un échelon après l'autre. Pas de course au plus. Juste une course au mieux, au différent.
Découverte d'un milieu peuplé de gens simples, bons, brillants. Coureurs ordinaires ou champions tricolores, chacun apporte sa pierre à l'édifice de ma conviction.
La course à pied, ça fait grandir l'humilité !
Comme à Buckingham. Chauffeur et balcon. ( Photo en course Jacques pour Running mag . Photo podium Jean-Marc )
Merci à Run-n-trail - Organisateurs de course et équipementier pour clubs - pour le dossard et pour sa confiance.
Merci à I-Run pour la dotation podium.
Merci aux géniaux bénévoles !
Merci à Marianne Vibrez Montagne pour son initiation trail.
Le maillot de trail c'est du joli Errea, bien taillé, bien pensé.
Merci au fantassin Laurent et au cavalier Jean-Marc, tous deux charmants.
Bravo à tous les coureurs adorables de "Run in Toulouse " et en particulier à Sebastyen.
Pour les jambes qui progressent de 42' sur le trail urbain Toulousain. C'est bibi.
C'est une question triviale que je me pose en entrant dans le sas.
15 runners. Mais surtout, surtout, des runneuses.
Une bonne quinzaine, peut être plus, si on ne compte pas les resquilleurs, les copines de la copine qui tenait la place "T'as pas vu j'ai mis mon pied".
Départ dans 30 minutes.
Aurai-je le temps.
Dussé-je arroser le martial pavé des Champs Elysée, je me soulagerai avant le coup de feu de dame Hidal-go.
Aso, tu es mignon, un peu plus de cabanons au fond de l'enclos. Tu notes ?
A 9 heures Hélios nargue déjà. Paris dans sa splendeur. Liesse. Bourdonnement des clameurs en mille langues. Athlétique Babel. Les coeurs eux se comprennent.
Visages détendus. On fait mine d'ignorer. 42,195 kilomètres de bitume pavés parcs bois places ronds- points virages berges lignes infinies, tunnels noirs montées criminelles, descentes salvatrices, rien, trous noirs, lumière ligne bleue, ligne bleue, puis délivrance.
Le marathon est une succession de brefs souvenirs sélectifs. Un stroboscope d'émotions. Une partie d'échec contre soi même.
Je piaffe. Racle des sabots. Vrombis.
Pas le temps de me placer devant les meneurs d'allures.
Première tâche du jour, dépasser la plume des 3h45, me placer au large. Ma mission, si je l'accepte, ne jamais me laisser rattraper.
Le marathon c'est un "chat" qui dure quelques heures au fond. Une récréation !
J'avais prévu d'ouvrir les yeux en courant Paris.
Je n'ai pas vu les Champs.
10 mètres de pavés. 20 à tout casser. Je descends sous les 5' au kilomètre. A la Concorde j'ai dépassé le troupeau du berger meneur, je suis dans les cordes. Rivée dans Rivoli, risette à la pucelle, pas de tuile aux tuileries, Louvre y es-tu, Châtelet vers les Halles, ce départ est royal.
Ferveur de Paris. Les vivats augmentent à l'Hôtel de ville, se mêlent déjà à Saint Antoine. Un trait dessiné dans l'histoire de Paris entre Saint Jacques et la prise de la Bastille. Ah ça ira ça ira, ma tête en ce jour sans cesse répète !
J'ai comme une absence. On a collé le bois en lisière du Marais, c'est marrant. Bastille et Vincennes ne font qu'un. C'est Fort !
Je crois qu'on a un peu monté. Oh presque rien. Une pente juste assez fourbe pour que mes pieds ordonnent à ma tête une petite mise en apnée.
Ami coureur, je te recommande l'absence ! C'est pratique. Un peu étrange. Paris en ce 12 avril réserve des surprises : La tour Eiffel par exemple a pris ses jambes à son cou. Je t'assure qu'elle n'y était pas ! Traître.
Le bois de Vincennes est ma demeure. Témoins de mes premiers pas. J'y suis chez moi. Dis bonjour au allées, aux arbres, à l'herbe au ciel bleu et aux sonneurs de trompes.
Avenue de la Gravelle - Tu fais moins la fière vers Paris ! légèrement descendante, vengeance sur le semi !
J'ai le nez dans le chrono. Appliquée à tenir mon allure. J'avais promis du 5'20. Oui mais je suis bien en 5'10 ! Semi. Échauffement terminé. Analyse rapide. Rien à déclarer.
Les bourdons célestes de Notre Dame sonnent à pleine puissance. Que Paris est donc une fête !
Les quais sont envahis. Familles, musiciens. Premier dimanche de vrai grand beau, Paris libéré !
Un crève coeur de plonger. Voies sur berges tant redoutées. Je vais bien. Tout va bien.
Le GPS me perd. Foulées à tâtons. Musiques électriques, concertos classiques, rayons verts, moteurs de monstrueux ventilateurs. Au fond la lumière. Viser la sortie. Il faut ressortir, happer une goulée d'air, faire provision des confettis d'encouragement hurlés en pluie par la foule en grappe accrochée au bastingage, puis replonger. Tunnel, sortie. Alma, 1, 2 3, treizième pilier. La carrosserie tient la route.
Il n'empêche. J'ai perdu ma rétine en sous sol. Je n'ai pas vu la dame de fer.
Rien à faire.
Mais le mur n'y est pas non plus.
Je vogue. Nez dans le bitume. Depuis le départ de course je remonte le courant. Sans cesse en alerte, annonçant d'un mouvement de main mes décrochages droite ou gauche, lançant au train avant mon intention de doubler. Je ne cesse de louvoyer. Accrochant au mieux ma sacro-sainte ligne bleue. Je la perds parfois, la raccroche souvent. Fil d'Ariane de l'Etoile à Foch.
Lulu, ma prunelle, ne fait pas grève. Dépassé la maison de la radio elle est là, mon amie, fidèle au poste. Si je pouvais la porter sur mon dos ! La vie n'est pas vraiment juste.
La faucheuse d'allure persifle dans mes jambes aux abords du périph. L'aiguille flanche. Légèrement. Très légèrement.
Vigilance ! Tu crois quoi ? Un mur au 36. Ridicule !
S'il faut verrouiller, je verrouille. Apnée. Bois de Boulogne. Connais pas. Je ne dis pas bonjour aux allées, ni aux arbres, ni à l'herbe, pas même au ciel bleu et aux sonneuses de trompes !
Dauphine. Obsession.
Pardon aux gens. Pardon les amis qui flanchent. Je passe. Je bouscule un peu. Pardon à toi, arrêté net, juste devant moi. Pardon pour mon mouvement d'humeur. Ce n'était pas moi. C'est mon robot. Celui qui avance tout seul, qui ne réfléchit plus.
On entend la ligne avant de la voir.
Elle enfle, elle ondule et promet mille et une ivresses.
Je connais mon chrono. Il est beau. Bien plus beau que ce que mes prévisions avaient osé avancer.
Je voudrais rembobiner. Je crois ne pas avoir assez gravé.
Souviens toi de la clameur. De tes battements de coeur. Des poings levés.
Fouler le tapis rouge*. Je voudrais tout. Figer le temps, aller plus vite, regarder, rire beaucoup et pleurer un peu.
Personne au bout en particulier mais une capitale à mes pieds.
J'embrasse au hasard
- Ah, mais bonjour monsieur Chauvelier ! ;) -
Titube un peu.
Sonnée à peine.
Heureuse surtout.
3 heures 38 minutes et 55 secondes
Second marathon.
Merci Paris !
* Et sinon pour le petit matos qui va bien, c'est du Errea ( le t-shirt qui a fait ses preuves au marathon de Toulouse ) Asics pour les running qui fendent l'asphalte et Flip-Belt pour la très très girly et ingénieuse ceinture fourre -tout y compris l'AïePhone et la cargaison de gels High5.
* après vérification scrupuleuse et raisonnée, le tapis est vert. On ne peut pas courir et penser aussi…
Et puis un jour je sens comme un flottement.
Un je ne sais quoi en amont qui ne tourne pas si rond, une vague sensation de dérive.
Pour éviter la chute et le puits sans fond des voies d'eau musculaires j'accorde une concession à mon plan mare à thon bien huilé.
Palmes maillot bonnet de caoutchouc lunettes. Naïade (mi ). Ah que je me marre.
Je plonge dans ce grand bain qui me fit frissonner (d)égout jadis.
Bassin municipal. J'ai des goûts de pool de luxe. La piscine c'est pas mon chott.
"Mais dans quel estuaire ?!" Me dit en amont mon capitaine hydrophobe.
Je lui dis "file et merci " Je n'écoute rien et il s'en trouve un peu saumâtre. Faut dire que je le bassine assez avec mes ronds dans l'eau et mes vagues à l'âme.
Je barbote maladroitement d'une ligne à l'autre, canard boiteux dans un jeu d'anguilles. On m'envoie dans la rangée du fond sous un déluge de désapprobations. Je gagne la palme de la mise à l'eau foireuse : le maître nageur dolent et bedonnant - bouée intégrée- doit me trouver totalement siphonnée .
Je me repêche une conduite en me canalisant sur mes longueurs.
Au fil de l'eau le charme opère.
Je me laisse submerger par l'élément liquide.
Le flot torrentiel du débit de décibels jaillissant de la coulée visqueuse de collégiens morveux en slip de bain disparaît en une immersion.
Les milliers de bulles de sons affluent en sourdine, ricochent, se cognent et rebondissent, jouant des battements de mes bras et de mes jambes, chatouillent mon visage qui respire, plonge souffle, respire plonge et souffle, provoquant une nouvelle cascade de myriade de perles d'eau emprisonnant d'autres variations rondes et moelleuses, préludes à une nouvelle plongée d'émotions aquatiques.
La truite papillonne.
L'heure passe en brassées et retours, les mouvements sont limpides et je m'abreuve de cette nouvelle source de renforcement musculaire. Redoutée hier, je découvre dans la séance de piscine un vivier de bénéfiques exercices, qui passent sans heurts et reposent mes jambes malmenées parfois par des séances trop poussées.
Swimming pool au compteur. C'est dit. Le mercredi. Pendant que les têtards grenouillent au petit bain.
-Je vous laisse. Ondine -
(Si c'est pas de la chute de rien…)
Une date cochée sur mon calendrier.
Floue. Loin. Il fallait réserver, c'est fait et on oublie.
On oublie façon Vénus. A savoir, on met ça dans un tiroir. On dit qu'on oublie. Mais on l'ouvre souvent le tiroir.
Et puis à force de faire semblant d'oublier, on se cogne au juste avant.
Course moins quelques jours.
C'est même pas une course de fou. Même pas un marathon. Même pas d'impossible, pas de déraisonnable. Même pas d'exotisme.
Mais c'est la course qui t'a fait basculer.
2h 17 le nez dans la route. Il y a deux ans. Première compétition.
Celle par quoi tout a commencé.
Je m'en fichais pas mal au départ. Un week-end en roue libre.
Mais Paris et mes pieds, c'est une histoire de premier amour.
J'avais commencé en octobre par le stade. Le bois n'était pas loin. Mais c'était déjà trop.
Peur de ne pas revenir.
Peur du grand méchant loupé.
Vincennes est vite devenu pourtant mon terrain de jeu.
Couru en long en large, en allées et en venues.
Accompagnée le matin tôt par l'armada d'athlétiques pompiers en exercice, maîtres chiens, gardes républicains, courageux promeneurs matinaux, clubs seniors de marche Nordique, mamans énergiques en poussette, travailleurs, élagueurs, canassons, canins, camés, oiseaux de fin de nuit, oisifs ou paumés.
Vincennes. Un monde.
L'oeil du cyclone événement course à pied. Dimanche.
8 mars. Ciel azur.
Paris aux semis colorés.
Pari gagné pour semi printanier.
Je trotte de Daumesnil jusqu'au départ de course, passant par le rocher de Vincennes sur les traces de mes futures foulées.
Pas un regard vers le château, je laisse la foule derrière moi et me place sereinement dans mon sas au moment du coup de feu des élites. Elles arriveront avant même le départ de la queue de ce peloton aux 36 000 sportifs.
Mes voisins sont pressés. Un peu tendus. L'ambiance de tête de course est moins joyeuse que l'arrière. Tempêtes de calcul d'allures sous crânes de coureurs pointilleux.
Une brochette de trois jolies blondes lookées se tient prête sur la ligne régalant le cordon de jeunes pompiers réjouis ouvrant la marche.
Départ fluide. Je suis agréablement surprise. Je gardais en souvenir un début de course poussif et étouffant, troupeau d'éléphants au millier de piétinements, cligno à droite, gauche, droite, talons bras et coudes cognés.
Nous déboulons rapides et graves. Souffles posés, serrant l'intérieur des virages.
Trop rapide. Je maintiens mon allure soutenue par le rythme ambiant, et raison et tentation se chamaillent in petto la marche à suivre.
Continuer au delà de mon temps prévu. Risquer la panne. Sur semi, péril limité.
Je ferme au 5 ème kilomètre la boite à questions . Advienne que pourra. Je continue en sur-régime .
La route colle déjà. Imperceptiblement. Le moindre faux plat plombe la semelle. Les encouragements ponctuels sont autant de coups de fouet, mais les quelques passants pressés et irrespectueux qui traversent, parfois fiers et dédaigneux, provoquent des suées dont on se passerait bien.
Je suis bien trop concentrée pour apercevoir les deux personnes qui me sont chères qui traquent mon passage. Mais je sais qu'elles sont là. Esprit focalisé sur un bon chronomètre que je pourrais épingler comme une jolie note sur un bulletin abonné au "peut faire mieux".
Paris me semble floue.
Est-ce moi ou ce trajet inversé qui cette année nous fait remonter le quai des Célestins, effaçant ainsi une si jolie vue sur l'île de la cité, et le salut dévot à Notre Dame ?!
Paris est dans mon dos et je ne l'ai pas embrassée. Je remonte déjà vers le bois et je traîne un peu les pieds. Je m'accroche à l'idée de doubler encore. Une jolie athlète devant moi s'arrête net sur la chaussée. Les épaules basses certains, las, abandonnent.
La route de Gravelle déroule son monotone bitume, je cramponne les pieds de devant, passant d'une roue à l'autre, sans réussir à me fixer un lièvre. Aucun rythme rectiligne, cette fin de course est une montagne Russe d'allures anarchiques.
Paquets de voix dans le dos. Un meneur d'allure et sa troupe sur mes talons.
Vexée à l'idée de me faire damer le pion par la flamme 1h45 partie bien après moi, je me cogne à cette garce de volonté qui tend à se payer le luxe d'une fugue en sol dérobé majeur au moment où j'en ai le plus besoin.
Accroche, accroche. La flamme passe, fière et encourageante. Je lève un nez dépité sur…un sublime 1h40 que je croyais loin devant !
Efforts désespérés. Ma Garmin joue la montre contre cette frontière du 5' au km. Elle lui tourne autour et j'assiste impuissante à un chassé croisé sauvage d'allures sur fond de "Thunder road".
Sourire libérateur pour la photo. Ligne.
Tilt.
Effacée la peine. En quelques mètres marchés.
Les résultats sont tombés.
Je réalise.
1h 40 minutes et 54 secondes.
Idiote ! J'aurais dû saigner pour 55 secondes de moins !
Paris. Seine de prime. Record de chrono.
Marathon, j'arrive !