Une date cochée sur mon calendrier.
Floue. Loin. Il fallait réserver, c'est fait et on oublie.
On oublie façon Vénus. A savoir, on met ça dans un tiroir. On dit qu'on oublie. Mais on l'ouvre souvent le tiroir.
Et puis à force de faire semblant d'oublier, on se cogne au juste avant.
Course moins quelques jours.
C'est même pas une course de fou. Même pas un marathon. Même pas d'impossible, pas de déraisonnable. Même pas d'exotisme.
Mais c'est la course qui t'a fait basculer.
2h 17 le nez dans la route. Il y a deux ans. Première compétition.
Celle par quoi tout a commencé.
Je m'en fichais pas mal au départ. Un week-end en roue libre.
Mais Paris et mes pieds, c'est une histoire de premier amour.
J'avais commencé en octobre par le stade. Le bois n'était pas loin. Mais c'était déjà trop.
Peur de ne pas revenir.
Peur du grand méchant loupé.
Vincennes est vite devenu pourtant mon terrain de jeu.
Couru en long en large, en allées et en venues.
Accompagnée le matin tôt par l'armada d'athlétiques pompiers en exercice, maîtres chiens, gardes républicains, courageux promeneurs matinaux, clubs seniors de marche Nordique, mamans énergiques en poussette, travailleurs, élagueurs, canassons, canins, camés, oiseaux de fin de nuit, oisifs ou paumés.
Vincennes. Un monde.
L'oeil du cyclone événement course à pied. Dimanche.
8 mars. Ciel azur.
Paris aux semis colorés.
Pari gagné pour semi printanier.
Je trotte de Daumesnil jusqu'au départ de course, passant par le rocher de Vincennes sur les traces de mes futures foulées.
Pas un regard vers le château, je laisse la foule derrière moi et me place sereinement dans mon sas au moment du coup de feu des élites. Elles arriveront avant même le départ de la queue de ce peloton aux 36 000 sportifs.
Mes voisins sont pressés. Un peu tendus. L'ambiance de tête de course est moins joyeuse que l'arrière. Tempêtes de calcul d'allures sous crânes de coureurs pointilleux.
Une brochette de trois jolies blondes lookées se tient prête sur la ligne régalant le cordon de jeunes pompiers réjouis ouvrant la marche.
Départ fluide. Je suis agréablement surprise. Je gardais en souvenir un début de course poussif et étouffant, troupeau d'éléphants au millier de piétinements, cligno à droite, gauche, droite, talons bras et coudes cognés.
Nous déboulons rapides et graves. Souffles posés, serrant l'intérieur des virages.
Trop rapide. Je maintiens mon allure soutenue par le rythme ambiant, et raison et tentation se chamaillent in petto la marche à suivre.
Continuer au delà de mon temps prévu. Risquer la panne. Sur semi, péril limité.
Je ferme au 5 ème kilomètre la boite à questions . Advienne que pourra. Je continue en sur-régime .
La route colle déjà. Imperceptiblement. Le moindre faux plat plombe la semelle. Les encouragements ponctuels sont autant de coups de fouet, mais les quelques passants pressés et irrespectueux qui traversent, parfois fiers et dédaigneux, provoquent des suées dont on se passerait bien.
Je suis bien trop concentrée pour apercevoir les deux personnes qui me sont chères qui traquent mon passage. Mais je sais qu'elles sont là. Esprit focalisé sur un bon chronomètre que je pourrais épingler comme une jolie note sur un bulletin abonné au "peut faire mieux".
Paris me semble floue.
Est-ce moi ou ce trajet inversé qui cette année nous fait remonter le quai des Célestins, effaçant ainsi une si jolie vue sur l'île de la cité, et le salut dévot à Notre Dame ?!
Paris est dans mon dos et je ne l'ai pas embrassée. Je remonte déjà vers le bois et je traîne un peu les pieds. Je m'accroche à l'idée de doubler encore. Une jolie athlète devant moi s'arrête net sur la chaussée. Les épaules basses certains, las, abandonnent.
La route de Gravelle déroule son monotone bitume, je cramponne les pieds de devant, passant d'une roue à l'autre, sans réussir à me fixer un lièvre. Aucun rythme rectiligne, cette fin de course est une montagne Russe d'allures anarchiques.
Paquets de voix dans le dos. Un meneur d'allure et sa troupe sur mes talons.
Vexée à l'idée de me faire damer le pion par la flamme 1h45 partie bien après moi, je me cogne à cette garce de volonté qui tend à se payer le luxe d'une fugue en sol dérobé majeur au moment où j'en ai le plus besoin.
Accroche, accroche. La flamme passe, fière et encourageante. Je lève un nez dépité sur…un sublime 1h40 que je croyais loin devant !
Efforts désespérés. Ma Garmin joue la montre contre cette frontière du 5' au km. Elle lui tourne autour et j'assiste impuissante à un chassé croisé sauvage d'allures sur fond de "Thunder road".
Sourire libérateur pour la photo. Ligne.
Tilt.
Effacée la peine. En quelques mètres marchés.
Les résultats sont tombés.
Je réalise.
1h 40 minutes et 54 secondes.
Idiote ! J'aurais dû saigner pour 55 secondes de moins !
Paris. Seine de prime. Record de chrono.
Marathon, j'arrive !
Je suis d'autant plus impressionnée par ta performance que la course a toujours été pour moi quelque chose d'impossible, de douloureux même sans les kilos en trop alors bravissimo !
RépondreSupprimerUn jour tu écriras un bouquin...C'est certain....
RépondreSupprimerQue j'aime ta plume !!
Et bravo...même s'il y a 54s de "trop" !!
Joli bulletin, 10/10 en rédaction... Et les pieds qui traînent, je n'y crois pas vu l'envolée sur la ligne d'arrivée ! Bravo !!!
RépondreSupprimerC'est rageant...
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