Je tourne. Et je m'arrête.
22 minutes et 42 secondes de course.
J'ai déjà heurté de plein fouet une première muraille. Ravitaillement en eau au troisième kilomètre. 13 minutes 24 secondes. Panne sèche. Une minute d'arrêt.
Je suis debout sur ce podium, récompensée pour ma première place de V1 F. Je suis une imposture.
Je n'ai pas couru un dix. J'ai fait 5 courses.
5 fractionnés.
Festive corrida de Cugnaux. Petite course au grand coeur.
Ma dernière sur la région.
Je croise ces coureurs qui m'ont accueillie avec amitié. Les visages deviennent familiers. C'est à ce moment là que je pars.
Vie nomade. On profite, on s'attache et puis on plie bagage.
Fête au bourg. Les enfants ont couru. Ma filoute exhibe sa médaille. Un sourire Margote ! Bravo les enfants ! Apprenez le goût de l'effort, affûtez votre esprit de compétition. Soyez justes, loyaux mais hissez haut !
Les coureurs du 5 partent en trombe. Une distance qui me fait peur. Pas le cran de m'y aligner.
Il faut tout y donner. Aucune hésitation. Un duel entre soi et la grande aiguille qui trotte à une vitesse vertigineuse. Je hurle pour pousser les premiers qui déboulent à 17 km/h. C'est impressionnant. Un peu effrayant, vraiment étourdissant.
Les esprits s'échauffent, je me repasse en boucle les conseils de mes amis coureurs.
verrouille ta course. Fait monter le tempo. Pas trop vite. Dégage toi sur la première ligne droite, prend le premier virage et stabilise. 4' 30. Tout le long. Sur le dernier, lâche les chevaux. Promenade de santé. 45 minutes à portée de foulées.
Oui mais.
Emportée par la foule… J'avale mon premier kilomètre en 4 minutes. Il me faut deux kilomètres de plus pour me jeter tête baissée dans la façade en béton armé qui cache ma fatigue de ces derniers jours.
Blackout total. Je ris nerveusement en laissant passer le flot. J'entends les encouragements que les perplexes me lancent.
Je recolle les morceaux de motivation en quelques longues et pénibles secondes. Par fierté plus que par conviction, machinalement je relance.
Point de départ. Deuxième boucle. Ceux qui me connaissent ont compris. Je traîne mon rêve de chrono dans les lambeaux de ma foulée qui grince. Je me rabats une nouvelle fois sur le bas-côté.
Arrête le massacre. Continue. Arrête je te dis ! continue ou cache toi. Mais ne reste pas plantée là ! Les secondes tombent. Sonores et alarmantes sur le chrono de ma montre. Il me suffit de presser le bouton rouge pour tout arrêter. Oublier cette course en miettes et déclarer forfait.
Sur 10. Qui le ferait ?! Je pense à la litanie de tous ces coureurs, croisés sur marathon, perdant une à une les pièces du moteur tandis que je doublais, totalement ignorante de la douleur que peut provoquer ce fameux mur, pérorant à qui voulait l'entendre qu'une course se maîtrise, qu'il n'est de douleurs que du fruit d'un travail bâclé, d'un début de course anarchique et d'une foulée en vrac.
Je pensais bien m'y cogner un jour dans ce mur.
Il reviendra je le sais. Mais pour l'heure il s'invite sur une promenade.
Parce que savoir le reconnaître, c'est aussi panser les plaies du départ. Encore une fois, je redémarre.
Flirtant avec la frontière du 12 km/h je raccroche doucement le peloton. Le plaisir vient enfin.
Les pieds réconciliés obéissent à mon esprit de compétition. Je suis 6 ème féminine. Je ne pense qu'à une chose: Passer au moins en 5 ème position.
Il me reste deux kilomètres. Rien.
Seconde après seconde je règle mon tempo sur l'objectif. Double la 5 ème. Il suffirait d'un rien pour qu'elle me fasse de l'ombre. Je ne me retourne pas. La 4 ème est dans le viseur. Je la doublerai à 500 mètres de la fin, sans autre joie aucune que de voir enfin la délivrance arriver.
46 minutes et 58 secondes. 2 minutes 30 immobile, à tergiverser. Soit 44' 28 de course active.
Je le sais que ce n'est pas rien.
Mais ce que je sais c'est que cela ne vaut rien. Ce n'était pas moi. Pas ma course, pas ce que j'avais préparé. C'était subi, désordonné, ridicule.
Je voulais un mur.
Je l'ai eu. Pas là où je l'attendais.
Repos maintenant. Entre deux cartons de déménagement et une montagne de travail.
En septembre j'attaque les choses sérieuses.
72 kilomètres à l'horizon décembre - Et pour ceux qui suivent "lastyliste" un joli projet en construction -
…Une promenade de santé ;)
Départ du drame en 5 actes. ( Photos Pierre Garaudet pour Running Mag )
- Bravo à Julie, en rose, 2 ème féminine en 44' 42 avec qui j'avais décidé de courir, accompagnée de Laurent ( le même lièvre aux petits oignons que sur le TUT ) avant que ma linotte de tête s'en mêle -
Photo Maud Pagèze pour Runningtrail
Pour info, je perds 55" sur mon record - Ici - couru avec autrement plus d'intelligence.
- Bonus coup de coeur à Jean-Marc encore, toujours si gentil et à cet inconnu venu me voir après la course pour me remercier d'avoir été son moteur sur ses trois derniers kilomètres. Yallah ! -
-J'essaie toujours de faire ce que je ne sais pas faire, c'est ainsi que j'espère apprendre à le faire - (Picasso)
L'humilité, hein, on y revient toujours, parfois avec une bonne grosse claque dans la g… et ça fait partie de l'apprentissage. Je suis sûre que tu as appris, ou que ça t'a clairement rappelé, quelques bonne règles dont on aurait tendance à s'affranchir la confiance venant. Et à ce titre, la course était réussie…
RépondreSupprimerSalut Sophie,
RépondreSupprimerJe viens de connaître (presque) la même chose la semaine dernière : une petite course juste à côté de chez moi, un challenge inter-entreprises... Facile... 6km, en 4 boucles de 1,5, dans mon terrain de jeu habituel...
6km, c'est sûr, c'est court, étant habitué aux 16 / 20 / 21km, voire plus dernièrement (72, 60, du trail, du D+...). Mais c'est déjà un peu long aussi... pour un sprint :)
Pas eu trop le temps de refaire beaucoup de fractionné, pas mal de fatigue aussi, des dernières sorties en mode limace... mais bon, c'est qu'un 6 km, c'est rien du tout ça...
Évidemment, départ "à fond" avec un lièvre sur les 500 premiers mètres (18 km/h !!!), j'essaye de ne pas trop me faire distancer (donc obligé de garder le rythme). Ça se tasse rapidement, mais toujours sur les 15,5 / 16 km/h. Je sais que je ne tiendrai pas le rythme. Je laisse filer les premiers. 5ème, puis 6ème. Ça tient. C'est dur, le booster d'avant course semble déjà loin, je prends le deuxième (un peu trop tôt ?).
Je sens quelques coureurs derrière moi, certains essayent de me dépasser, je les reprends. J'arrive à remonter une ou deux places. Toujours à fond (enfin, selon ma condition du jour). Les jambes qui commencent à brûler.
4ème et dernier tour, j'attends encore avant l'accélération finale, ne pas partir trop tôt... 500m avant la fin, 4 missiles me laissent sur place. Je commande à mes jambes : action ! Mais rien... j'essaye en forçant le train : le coeur ne veut pas, il est déjà à bloc... Et je vois mes "cibles" qui inexorablement s'éloignent de moi sur ces dernières dizaines de mètres... Mon "sprint final" était déjà commencé depuis 6km :o)
La tête de ma Chérie, quand elle a vu la mienne, celle que je faisais en rentrant chez moi, tout sauf heureux d'avoir fait cette "performance" (au demeurant pas si "nulle", 14 km/h de moyenne, 10ème (sur 42, ouah la perf :))) ) mais pas à la hauteur de ce que j'aurais pu faire quelques mois avant !), n'ayant pas vraiment pris de plaisir dans ce combat...
Mais comme dit Louise Hamster, on apprend toujours, et comme dirait un autre, je l'aurai, un jour, je l'aurai :) Gniark gniark gniark !
Bonne route et bonne prépa pour la SaintéLyon ;o)
Loïc
Encore un beau récit !!
RépondreSupprimerMerci Sophie ;)
Bon courage pour le déménagement....et tout ce que cela implique....
Hâte de voir ce que tu nous prépares !!....j'espère que tu fais des envoie sur AD !! Sinon, je vais devoir attendre l'année prochaine !!