Je n'ai pas trouvé mieux.
Courir. C'est ce que fait Émile.
Jean Echenoz en 2008 en a tracé la biographie.
Enfin. En a romancé la biographie.
Court, claquant et percutant.
Rapide, simple et attachant.
Ce livre est une intrigue littéraire. D'une simplicité désarmante. C'est ça.
Ouvrier chez Bata en Moravie en début de seconde guerre, Émile court parce qu'on l'y oblige.
Bon petit soldat : Il veut bien courir du moment qu'on ne l'emmerde pas.
A force de courir, Émile va y prendre goût et avec l'arrivée des Russes et le retrait des troupes Allemandes il deviendra le sportif qu'on exhibe et dont on chante les gloires pour bien montrer au monde de l'ouest à quel point elle est belle la patrie du communisme.
Émile Zatopek rafle toutes les médailles !
Ça en devient presque agaçant. Ce type n'a rien de beau. Il n'est pas laid non plus. Il n'a rien d'académique. Ah ça non. C'est un pantin, qui s'entraîne étrangement, tout seul en alternant les courses rapides et les courses de fond et qui s'offre le luxe d'un tour de piste de courtoisie en grimaçant benoîtement à la fin d'un marathon couru comme de rien.
Et c'est étrange. Echenoz écrit. Ses phrases sont courtes, rythmées, cadencées et parfois comme un Émile sorti de sa boite, la cadence se brise, l'auteur pose un caillou blanc, une pointe d'ironie, un oeil critique, juste ce qu'il faut pour que l'on n'en pense pas moins, et il reprend sa course, métronome sur son couloir, comme s'il voulait se faire l'écho de son héros mais pas trop.
Parce que Émile, il gagne. Mais il ne le fait pas franchement exprès. Il va là où on lui dit d'aller. Ni plus ni moins. Et si il gagne, c'est parce que c'est ainsi.
Qu'on fasse de lui un étendard à la gloire du communisme l'importe peu. Il fait ce qu'il aime. C'est un homme ordinaire, médiocre et commun, si attachant pourtant, peut-être parce qu'il est naïf….Ou qu'il fait semblant de l'être.
Le rayonnement de l'athlète se heurte à l'enfermement volontaire d'un régime totalitaire qui finira par détruire son prodige qui aura osé ouvrir son clapet un peu trop grand - un mot de travers. Hop, c'est déjà trop -
Destitué. Du jour au lendemain.
Passant sa grande carcasse de la lumière à l'ombre, il restera éternellement "l'homme le plus rapide du monde".
Le temps d'un semi - Deux heures à mon rythme, au rythme d'Emile, vous lisez très très vite- courez avec le grand Echenoz sur la piste d'Emile.
Une lecture qui a vraiment. Vraiment beaucoup d'allure !
"Courir" de Jean Echenoz
Editions de Minuit
- Article publié le 14/09/13 sur mon blog Sophielastyliste
Je m'en souviens très bien et j'avais du commenter à l'époque.
RépondreSupprimerj'adore ta phrase de conclusion.
Je ne me suis jamais frottée à Echenoz, je commencerai peut-être par celui-là...
un des plus grands coureurs.. un modèle..
RépondreSupprimer