Parce que mes pieds sont têtus.

lundi 29 décembre 2014

Ce petit chemin - Ode au jogging intuitif

Le frais soleil d'hiver jette quelques timides éclaboussures sur le ciel ardoisé de fin de jour.
J'ai lu l'après-midi. Paresseuse journée d'entre deux ans.
La télévision regarde mes enfants chiffons. 
Je ne manque à personne.
Je sors.
J'ai enfilé un collant mi-long, pris les gants, un buff.
Une virgule d'hésitation. Je chausse mes routières.
Peu de trafic. J'irai au large en plus. Le citoyen fait la grève du loisir. Il se réserve pour le second service.
Les pinces du grand froid se cognent rapidement à mon moteur. 
La machine running est hors gel en quelques foulées. Les oreilles au chaud sous un cocon de Daho.
J'emprunte machinalement une route habituée à croiser les cases de mes tableaux d'entraînement.
Si je monte au point B en partant de la base A tant de montée, ça de kilomètres équivaut à X d'effort.
Trêve.
L'entre-deux ans. 
Le goudron susurre à mes orteils de n'en faire qu'à leur tête.
Je bifurque dans le petit chemin et je fais valser la chaîne des plans bien tracés.
La ville disparaît. Cronos et Gaïa font basculer mon terrain de jeu du bout de leurs sandalettes.
Il n'est plus si tard. Il n'est pas trop tôt. 
La lumière tatoue de mouchetures ma rétine presque voilée.
Je suis le chemin pavé de fauves, chaque feuille morte est une enluminure et l'oreille délestée du casque capte les rayures, gargouillis, et frottements du sous bois soupirant.
Erreur de casting sur le rôle vedette de la chaussure. 
Je patine en pachyderme sur un terrain glissant et je hoquette par dessus le ruisseau qui s'infiltre sous le spongieux tapis bruni.
Je flotte.
Le ciel fuligineux s'auréole de dorures. Je tourne et bifurque à chaque occasion pour pousser ma trotte au bout des chemins, savourant cette solitude moelleuse et silencieuse.
A la première habitation, le gravât du chemin se fait plus cassant. Le charme est rompu, Gaïa ne joue plus.
J'ajuste mon cache-col, visse des basses rythmées à mes oreilles, passe la cinquième.
Quelqu'un a colorié le paysage en monochrome, et les nuages bas me postillonnent au visage en grondant.
J'arrive au moment où le plafond se fend, bariolant la route d'éclaboussures moirées d'hydrocarbures.
Le petit bois s'est refermé sur ma respiration, badigeonnant d'un trait versicolore les soupirs  honteusement énamourés d'une mangeuse de bitume.

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