Passées les laborieuses premières fois, quand le souffle s'apaise, quand le moteur est rodé. Lorsque les jambes ne souffrent plus et que le coeur ne s'emballe pas. Passés ces moments de doute, de pourquoi et de comment, quand la bascule se fait et qu'on relève la tête en s'avouant enfin qu'on aime.
Quand je cours et qu'enfin je vois.
L'horizon sort du cadre et me donne un choix.
Si je veux j'ouvre les yeux. Je souris aux gens, je sollicite le regard du passant. D'un infime signe je lui fait comprendre qu'il ne m'est pas indifférent, qu'il est de passage sur ma ligne de vie et que je l'aime pour cela. Il partage ma route, une foulée en commun, il est de mon paysage, visage fulgurant oublié si vite la plupart du temps, mais le fait seulement d'avoir traversé mon champ de vision au moment où je n'avais comme seule préoccupation de n'avoir qu'à regarder, suffit à faire de lui un hôte de ma vie.
Si je veux je me ferme.
Je fais le vide d'atmosphère et je gravite dans un univers qui n'appartient qu'à moi.
Si je veux je pense.
Je pense à moi. Les maux surgissent, troublants et mauvais, déformés par l'égocentrisme qui fait enfler comme une peste tous les grains de sable de la machine à aimer. Si je m'écoute, je m'arrête.
Si je veux je me referme. En apparence.
Si je veux je pense.
Le monde prend une place infinie avec ce qu'il a de plus beau, mais de plus laid aussi.
Parce que courir c'est prier. Pour moi ça l'est.
Prenez le comme vous voudrez. Mon histoire de course est liée à la force venue d'une âme.
Quand je cours je suis tout le monde. Je suis ceux qui vont mal, je suis ceux qui jubilent, je suis ceux qui crèvent et je suis ceux qui luttent.
S'indigner est juste cause. Mais les mots peuvent tuer, comme les images mille fois repassées sur des écrans assassins imposés aussi à des âmes en loques.
Hier des blessés. Victimes de barbarie, aujourd'hui à peine relevés, qu'une armée de justes soutient, patiemment démontrant qu'une fenêtre ouvre parfois sur du beau. En quelques heures, moins, fauchés par l'horreur des traumatiques souvenirs étalés, encore, encore, encore.
Aujourd'hui comme hier, courir me donne à être. Je m'indigne en silence, j'espère en un souffle.
Courir est mon cri. Une profession de vie.
C'est un très beau billet, qui dit certaines choses et qui en murmure d'autres.
RépondreSupprimerBravo , vraiment.