Pas de bilan, c'en est FFAssez !
J'ai couru -Trop ou pas à satiété , je cours ce que le coeur me dit de courir -
Je retiens de ces heures en baskets
Le froid mordant devenu gazeux au premier effort, les corps fumants et la tête exultant.
Paris en liesse, Paris en pièces.
Trois minutes en suspens, une volonté en miettes.
Un chapelet de minutes lourdes, une myriade d'heures délivrées.
Solitude et amitié.
Bulle protectrice et mains salvatrices.
42,195 km de bonheur pur
Un ruban aqueux, une route, des chemins pièges.
Un petit matin rédempteur
Un stade rouge
des bords de mer au bord des yeux.
Des secondes qui s'égrainent, le temps suspendu
Un ciel étoilé et les deux pieds sur terre.
Le verbe, la vie.
Aimer.
Concrètement.
Sur 14 380 femmes classées en national sur marathon, je suis, selon la FFA, 702 ème.
Enfin, nous sommes 157 féminines classées ex aequo entre la 582 ème place et la 739 ème place -
Ce qui n'est pas si ridicule.
Selon mon temps réel - prend toi un Mojito, un bon fauteuil club et j't'explique la différence là -clic -
J'arrive mano a mano avec une dénommée Flore à la 299 ème place du classement national officieux de la FFA selon moi -naaaan mais! -
Je fais donc le serment solennel.
Et je jure
Sur la tête de mon coach et devant le Dieu Mizuno
Que je vais suer sang et gueuze
pour tutoyer officiellement et selon les stupides règles de la Fédé-qui-m'enlève-neuf-minutes
le top 300 de ce classement.
Je promets aussi
De jubiler
De pester toujours autant
D'être parfois contente de moi
D'avoir moins peur du chemin, de quitter plus souvent l'asphalte.
De regarder devant
D'enjamber les obstacles.
De voir sourire Valérie
De faire courir Daddy.
Soyez prudents ce soir bande de vous.
Parce que mes pieds sont têtus.
jeudi 31 décembre 2015
mardi 8 décembre 2015
A ta Sainté ! - Ou comment j'ai trinqué -
L'oeil vissé sur le halo de la loupiote. Le cercle pâlit doucement et je grommelle.
Changer encore les piles de ma frontale ? S'arrêter. Encore. Sur le bas côté. Encore.
Le jour n'en finit pas de venir. Je veux lever la tête, profiter.
Le petit bois ne m'amuse plus. Concentrée sur chaque parcelle de poussière. Je poursuis mon oeil de lumière depuis plus de 7 heures. A la moindre défaillance de concentration, c'est la cheville qui saute.
Je suis crispée. Nuque tendue comme un arc, les tempes cognent et l'oreille bourdonne.
Pierre, racine, descente dans le vallon. Ruban gras et caillouteux. Trois planches en guise de gué.
Pas de décors. Je cours dans le vide. La nuit place le sentier, un mètre après l'autre et referme l'arrière et les côtés sur ma solitude encombrée et opaque.
Je ne sais plus les bruits. Je ne sais plus les images je ne sais plus comment ni à quel instant précis. Je sais qu'à un moment, j'ai levé la tête.
Et que le jour m'a embrassée.
Il est arrivé, comme arrive une mère au matin d'une nuit de fièvre. Tamisé, doux, silencieux et consolateur. Si soudain pourtant. Peut-être s'était-il annoncé, faisant baisser l'intensité du noir, passant au gris bleuté, ourlé de ciel doré. Rose, jaune ou argenté. Mais je l'ai vu soudainement, sortir du petit bois, et illuminant la crête bordant un champs encore givré. Le croissant de lune fait encore face au soleil pâle. Ces deux là se passent les consignes. Veilleurs de nos vies. Tandis que les étoiles ont déjà filé de l'autre côté du globe.
Je pleure maintenant. En y repensant.
Quel cadeau que le jour !
C'est pourtant la nuit que j'étais venue taquiner.
Cette SaintéLyon attendue depuis 9 mois !
72 km. 1900 D+. Nuit. Froid.
Je m'y inscris avant même de courir mon second marathon à Paris.
Je veux connaitre autre chose que la route. Autre chose que le plat, que le jour, que la course chronométrée et millimétrée. Je veux de l'imprévu, du difficile, de l'adrénaline et du tortueux.
Pas entrainée. Ou si peu. A l'aise sur route, piètre grimpeuse. Mais une tête cabossée, et une brassée de prières à confier au chemin.
Je referme la porte de la maison. L'aventure sera courte mais intense. Maman va courir un peu les enfants. Je reviens vite.
Gare, train. Je somnole. 4 heures vides. Gare, métro. Dossard. Et puis car. Les tâches à accomplir pour arriver au départ s'enchainent. Fluides. Organisées. Pas d'attente, pas d'oubli. Plaisanteries échangées avec le voisin de bus. On se dit qu'on est fada à se faire véhiculer de Lyon à Saint-Etienne le soir venu, pour rallier en sens inverse et à pied, le point du départ qu'on vient de quitter.
Je ne suis pas inquiète. Je ne suis pas euphorique. Je suis posée. Heureuse d'y être. Incapable d'imaginer quoi que ce soit. Les coureurs sont venus en groupes. En couple. Peu d'électron seul et libre. Mais je suis bien dans cette liberté là.
A Saint-Etienne je m'incruste, entre deux traileurs sans domicile fixe pour un temps. Déplie mon mince matelas de mousse. Sors mon bivouac de fortune. La place est de choix. Sous une rampe chauffante. 5 heures à attendre. Hôtel improbable abritant têtes brulées et pieds pas vraiment nickelés.
Mes voisins sont des durs. Ils plaisantent sur leurs aventures passées. L'un a couvert 4 UTMB, l'autre court la Diag' pieds nus. Ici sur la Sainté, c'est un peu risqué. Mais il fera chaud, j'ai pas pris de chaussettes il me dit, bras nus et tête posée sur une bouteille de plastique, à grignoter des graines et mâchouillant de la réglisse.
Je jette un oeil parfois, sur les réseaux sociaux. Marvin, Lyonnais, un passionné, pas encore assez mûr pour se jeter dans le bain, a décidé de passer la nuit à pister une poignée de "Twittos" engagés dans la même galère. Il informe en temps réel notre position, de telle sorte que je retrouve très rapidement Stéphane, puis Florent et Virginie, Marine ensuite, et que nous passons d'inconnus à vieux poteaux, le temps d'un sourire et d'une fourchetée de salade de Pennes aux pignons et tomates séchées.
La Halle-Bivouac est remplie. Bourdonnante. Les visages sont marqués avant même le départ.
Chacun porte sur lui sa carte mémoire de courses. Les impressionnants palmarès côtoient les débutants balbutiants. Nous avons tous un point commun pourtant. Celui d'aimer. D'aimer à en courir, d'aimer la vie même si, elle cogne parfois sans raison et prend d'une main à l'un ce qu'elle donne de l'autre au voisin.
Embrassades et bonne chance. Je lâche mes compagnons pour me glisser dans le rang du départ. Je veux être au plus proche. Je m'attends à devoir traverser une foule compacte. Mais le coureur reste au chaud longtemps, et je gagne les premiers rangs en jouant peu des coudes.
Il me semblait si effrayant ce départ! Et pourtant. Je suis bien. Vraiment bien. Si peu surprise de croiser par hasard dans la foule le regard de David, un autre coureur geek, dont les pirouettes narratives m'amusent sur la toile. Le lien se fait en un selfie. Tapes amicales, les frontales se cognent en mouvements gauches qui trahissent une nervosité non avouée.
Derrière nous l'avenue se remplit. La sono monte le son accélère le tempo, accueille les élites que nous encourageons.
Et puis silence. Mémoire. Applaudissements. Nous allumons nos lampes, plein phare, et monte du flot, sans s'annoncer, une Marseillaise vibrante dont les dernières mesures, décrochées d'un soupir, se fondent dans l'allant de la coulée libérée.
Je file sans surprise et sans peine sur une vitesse croisière de 12 km à l'heure. La sortie de Saint-Etienne se fait en douceur. Il fait déjà chaud, mais c'est une constante dans cette course. Départ bitumé, coup de chaud assumé. Le chemin est vite là. La montée aussi.
Je calme en retrait la vessie qui se prend déjà pour une lanterne à vouloir se manifester dans la nuit et je reprends le train des 6500 mages.
Mythique ruban lumineux. Je suis en voiture de tête et je savoure.
Replat.
Je relance.
Et
La machine vole en éclats.
14 kilomètres.
Stoppée net par des crampes.
Elles crépitent des orteils, remontent les chevilles, grimpent les mollets, s'en vont et reviennent à chacune des pauvres foulées que je tente désespérément de relancer. La marche est mon seul remède.
Je me force au premier ravitaillement surchauffé à avaler une soupe que je bois en marchant.
Je suis une boule de nerfs. Envie de cogner. Je me force à courir. Chaque portion de plat est un calvaire. La marche me refroidit. Je marche plus vite. Les montées me calment: Tous à la même enseigne. Mais chaque kilomètre roulant que je parcours, cahotant, jurant sans ménagement, est une frustration qui me désespère et m'anéantit!
Les descentes, bien pauvres sur cette partie de la course sont des occasions pour accélérer. Mais je suis tellement tendue que je ne prends aucun plaisir. Aucun plaisir.
Mon rêve de Sainté au septième ciel est à des années lumière.
La bataille durera presque 25 bornes.
Je n'ai pas vraiment d'autres souvenirs que ces coups d'épée dans les jambes.
J'ai tout fait.
Rien n'y a fait.
Je n'ai pas regardé la nuit. Tout au plus ce ciel étoilé auquel je m'accrochais.
Maudissant ces coureurs qui avaient l'outrecuidance de courir et pire! de me doubler!
Quel intérêt.
Celui de souffrir. D'arriver en marchant. Je ne suis pas venue pour ça.
L'intérêt est venue d'une main. Posée sur mon épaule.
Un coureur qui s'arrête. Un mot. Me tend une pastille. Un je ne sais quoi. Placebo ou perlimpinpin. Mais il me la tend. Et prend de son temps, pour faire avancer le mien.
Le corps est une machine étrange me dit-il. Qui passe de trépas à vie en une seule foulée. Une seule.
Essaye. N'arrête jamais d'essayer.
Arrivée à Saint Genoux. 40 km. J'avais prévu d'arrêter.
Je visse ma musique. Resserre mes lacets. Avale un thé. Comme à chaque ravitaillement je reste en mouvements. Toujours.
Jamais s'assoir. Jamais. Recharge mes bidons. Accroche un regard qui semble dire "confiance!".
Respire. Et décide de ne plus jamais lâcher.
Au kilomètre 42, très exactement, alors que je n'avais jamais couru au delà de la distance, je rentre enfin dans ma course!
Je viens de traverser 4 heures de tempête au coeur d'une nuit qui n'a jamais été aussi calme douce et favorable sur le tracé d'une SaintéLyon.
Fermée dans un blindage fabriqué à la hâte, sans un oeil pour ma montre et sa litanie de kilomètres qui s'égrainent, j'avance, mètre après mètre, les yeux rivés sur mon cercle de lumière qui ouvre la route.
Les chevilles fatiguées se tordent. Droite puis gauche. Les orteils mordent la chaussure, le coeur s'emballe parfois sur une descente mal maitrisée. La lampe s'éteint sans prévenir. Je recharge sur le bord, prends un antalgique, redémarre, concentrée, toujours, sur ces débuts de crampes qui jamais ne m'offrent de répit.
Quand je lève le nez, c'est ma Lulu-étoile, partie trop tôt et qui devait être à Lyon pour me cueillir, elle avait promis. C'est ma Lulu-étoile que je vois briller, et qui me fait des clins Dieu depuis son perchoir céleste.
Je ne maitrise pas le chrono. Je ne maitrise pas le terrain. Ni le temps qui file, ni le caillou qui roule. Je ne maitrise rien de tout cela. Mais Je fais plier, à force de volonté, ce corps qui cette nuit, avait décidé de ne pas coopérer.
A Soucieux, kilomètre 50, j'ai repris un rythme plus qu'acceptable et je remonte le flot.
Le jour se lève sur ce champ d'espoir en ruine, mais l'arrivée rapide sur Chaponost, dernier ravitaillement, réveille mon esprit compétiteur.
La course est machinale.
Je pense aux brasiers, aux mains d'un bénévole, harcelé de coureur pressés et hargneux, qui me sert moi, avant, parce que je ne tends pas le gobelet, mais que je demande en souriant.
Je pense au concurrent, que je fais rire d'une blague au sortir d'une ornière, et qui se tourne les larmes dans les yeux en me remerciant d'humaniser sa peine de l'instant. Je pense à la vue sur Lyon, aux vignes, au tapis de feuilles, à la croix bleue de Sainte Catherine, phare dans la nuit.
Je pense à cette enfant, juchée sur des épaules, criant de tout son sourire des vivats aux coureurs. Petite fille dans la nuit, qui se souviendra longtemps de sa veillée d'arme, pour soutenir un père, un tonton peut-être, ou juste parce que ses parents, lui ont dit combien c'est important, dans ces instants, d'offrir à l'inconnu un bouquet de fraîcheur. Il passe parfois sans manifester sa reconnaissance, mais l'image s'infiltre dans le subconscient, et revient, au jour du bilan, pour illustrer mieux qu'un grand discours, le pourquoi de tout cela.
Je double toujours, sur le dernier 10, pestant parfois contre les coureurs de la "petite" course qui font salon, à marcher de front, balançant les bâtons dans les jambes du derrière, sans considération pour ceux qui reviennent des ténèbres.
Au détour d'une rue, une volée d'escaliers plonge sur le vaisseau Confluence. Ne pas se précipiter. J'ai envie de sauter. Les yeux veulent rire, ils s'embrouillent et pleurent un peu, les bêtas. Ma montre sonne la fin de sa charge. Nous sommes synchro elle et moi, à vider nos batteries de concert!
Un pont, crochet, berges et passerelle. Pont.
Les visiteurs se pressent. Cloches, cris et trompettes. Virage devant la Halle Tony Garnier, si désirée.
Je veux sourire mais je grimace, deux mains sur les tempes, je veux pleurer, mais rien ne vient. Cherche des bras, un appuis, un je ne sais quoi, oubliant une seconde que je suis venue seule et que personne ne m'attend! Titube, si peu. Balaye la halle du regard. Conquérante. Quoi? J'ai bien le droit!
Plantée devant les cartons de victuailles, je ne sais que piocher. Demande un grand café. Y plonge trois sucres entiers. Me ressers, tout aussi chargé et retrouve enfin mes esprits.
Je reviens vers la barrière, qui ceinture l'arche, et je vois Daddy, mon compagnon sur le départ, franchir l'arrivée à son tour, visage marqué par l'émotion, et j'ai l'impression qu'il exprime à l'instant, ce que je voulais sortir et qui reste coincé, chez moi, quelque part entre le coeur et les yeux.
Je crie son prénom. Ça me libère, c'est bête. Il n'a peut-être pas envie de ça. Je réalise après que je n'ai pas le droit de m'approprier ainsi l'arrivée d'un autre. Mais il vient vers moi, et me serre. Juste rien. Mais c'est beaucoup. Il ne me fallait que ça, pour qu'enfin.
Eclate ma joie.
Saintélyon 2015. Première distance au delà du marathon. Premier trail au delà de 33 km. Je m'étais promis une SaintéLyon de bronze. J'ai fait 9h 24 de course! Sub 10h. Décrochée haut la main, et malgré tout.
Mon inconsciente inconscience avait même envisagé un chrono entre 8h 30 et 9 heures.
Revanche en 2016!
Merci du fond du coeur à Marvin, fédérateur de choc, à Stéphane, attentif, posé et qui a embelli mes heures d'attente, à Florent et Virginie plein de fraicheur, à Marine, qui n'a pas faibli.
Merci à David, pour le départ, et pour l'arrivée.
Merci à Hélène aussi, que j'aimerai vraiment connaitre mieux et à Enzo, même si nous nous sommes ratés !
Merci aux Lapins: Un mythe de les voir arriver !
Merci à Eric, Jean-Marc, Laurent, Denis, Sissi, Ludo, Christophe et tant d'autres pour les conseils.
Merci.
You Rock et ça c'est bon ;)
Changer encore les piles de ma frontale ? S'arrêter. Encore. Sur le bas côté. Encore.
Le jour n'en finit pas de venir. Je veux lever la tête, profiter.
Le petit bois ne m'amuse plus. Concentrée sur chaque parcelle de poussière. Je poursuis mon oeil de lumière depuis plus de 7 heures. A la moindre défaillance de concentration, c'est la cheville qui saute.
Je suis crispée. Nuque tendue comme un arc, les tempes cognent et l'oreille bourdonne.
Pierre, racine, descente dans le vallon. Ruban gras et caillouteux. Trois planches en guise de gué.
Pas de décors. Je cours dans le vide. La nuit place le sentier, un mètre après l'autre et referme l'arrière et les côtés sur ma solitude encombrée et opaque.
Je ne sais plus les bruits. Je ne sais plus les images je ne sais plus comment ni à quel instant précis. Je sais qu'à un moment, j'ai levé la tête.
Et que le jour m'a embrassée.
Il est arrivé, comme arrive une mère au matin d'une nuit de fièvre. Tamisé, doux, silencieux et consolateur. Si soudain pourtant. Peut-être s'était-il annoncé, faisant baisser l'intensité du noir, passant au gris bleuté, ourlé de ciel doré. Rose, jaune ou argenté. Mais je l'ai vu soudainement, sortir du petit bois, et illuminant la crête bordant un champs encore givré. Le croissant de lune fait encore face au soleil pâle. Ces deux là se passent les consignes. Veilleurs de nos vies. Tandis que les étoiles ont déjà filé de l'autre côté du globe.
Je pleure maintenant. En y repensant.
Quel cadeau que le jour !
C'est pourtant la nuit que j'étais venue taquiner.
Cette SaintéLyon attendue depuis 9 mois !
72 km. 1900 D+. Nuit. Froid.
Je m'y inscris avant même de courir mon second marathon à Paris.
Je veux connaitre autre chose que la route. Autre chose que le plat, que le jour, que la course chronométrée et millimétrée. Je veux de l'imprévu, du difficile, de l'adrénaline et du tortueux.
Pas entrainée. Ou si peu. A l'aise sur route, piètre grimpeuse. Mais une tête cabossée, et une brassée de prières à confier au chemin.
Je referme la porte de la maison. L'aventure sera courte mais intense. Maman va courir un peu les enfants. Je reviens vite.
Gare, train. Je somnole. 4 heures vides. Gare, métro. Dossard. Et puis car. Les tâches à accomplir pour arriver au départ s'enchainent. Fluides. Organisées. Pas d'attente, pas d'oubli. Plaisanteries échangées avec le voisin de bus. On se dit qu'on est fada à se faire véhiculer de Lyon à Saint-Etienne le soir venu, pour rallier en sens inverse et à pied, le point du départ qu'on vient de quitter.
Je ne suis pas inquiète. Je ne suis pas euphorique. Je suis posée. Heureuse d'y être. Incapable d'imaginer quoi que ce soit. Les coureurs sont venus en groupes. En couple. Peu d'électron seul et libre. Mais je suis bien dans cette liberté là.
A Saint-Etienne je m'incruste, entre deux traileurs sans domicile fixe pour un temps. Déplie mon mince matelas de mousse. Sors mon bivouac de fortune. La place est de choix. Sous une rampe chauffante. 5 heures à attendre. Hôtel improbable abritant têtes brulées et pieds pas vraiment nickelés.
Mes voisins sont des durs. Ils plaisantent sur leurs aventures passées. L'un a couvert 4 UTMB, l'autre court la Diag' pieds nus. Ici sur la Sainté, c'est un peu risqué. Mais il fera chaud, j'ai pas pris de chaussettes il me dit, bras nus et tête posée sur une bouteille de plastique, à grignoter des graines et mâchouillant de la réglisse.
Je jette un oeil parfois, sur les réseaux sociaux. Marvin, Lyonnais, un passionné, pas encore assez mûr pour se jeter dans le bain, a décidé de passer la nuit à pister une poignée de "Twittos" engagés dans la même galère. Il informe en temps réel notre position, de telle sorte que je retrouve très rapidement Stéphane, puis Florent et Virginie, Marine ensuite, et que nous passons d'inconnus à vieux poteaux, le temps d'un sourire et d'une fourchetée de salade de Pennes aux pignons et tomates séchées.
La Halle-Bivouac est remplie. Bourdonnante. Les visages sont marqués avant même le départ.
Chacun porte sur lui sa carte mémoire de courses. Les impressionnants palmarès côtoient les débutants balbutiants. Nous avons tous un point commun pourtant. Celui d'aimer. D'aimer à en courir, d'aimer la vie même si, elle cogne parfois sans raison et prend d'une main à l'un ce qu'elle donne de l'autre au voisin.
Embrassades et bonne chance. Je lâche mes compagnons pour me glisser dans le rang du départ. Je veux être au plus proche. Je m'attends à devoir traverser une foule compacte. Mais le coureur reste au chaud longtemps, et je gagne les premiers rangs en jouant peu des coudes.
Il me semblait si effrayant ce départ! Et pourtant. Je suis bien. Vraiment bien. Si peu surprise de croiser par hasard dans la foule le regard de David, un autre coureur geek, dont les pirouettes narratives m'amusent sur la toile. Le lien se fait en un selfie. Tapes amicales, les frontales se cognent en mouvements gauches qui trahissent une nervosité non avouée.
Derrière nous l'avenue se remplit. La sono monte le son accélère le tempo, accueille les élites que nous encourageons.
Et puis silence. Mémoire. Applaudissements. Nous allumons nos lampes, plein phare, et monte du flot, sans s'annoncer, une Marseillaise vibrante dont les dernières mesures, décrochées d'un soupir, se fondent dans l'allant de la coulée libérée.
Je file sans surprise et sans peine sur une vitesse croisière de 12 km à l'heure. La sortie de Saint-Etienne se fait en douceur. Il fait déjà chaud, mais c'est une constante dans cette course. Départ bitumé, coup de chaud assumé. Le chemin est vite là. La montée aussi.
Je calme en retrait la vessie qui se prend déjà pour une lanterne à vouloir se manifester dans la nuit et je reprends le train des 6500 mages.
Mythique ruban lumineux. Je suis en voiture de tête et je savoure.
Replat.
Je relance.
Et
La machine vole en éclats.
14 kilomètres.
Stoppée net par des crampes.
Elles crépitent des orteils, remontent les chevilles, grimpent les mollets, s'en vont et reviennent à chacune des pauvres foulées que je tente désespérément de relancer. La marche est mon seul remède.
Je me force au premier ravitaillement surchauffé à avaler une soupe que je bois en marchant.
Je suis une boule de nerfs. Envie de cogner. Je me force à courir. Chaque portion de plat est un calvaire. La marche me refroidit. Je marche plus vite. Les montées me calment: Tous à la même enseigne. Mais chaque kilomètre roulant que je parcours, cahotant, jurant sans ménagement, est une frustration qui me désespère et m'anéantit!
Les descentes, bien pauvres sur cette partie de la course sont des occasions pour accélérer. Mais je suis tellement tendue que je ne prends aucun plaisir. Aucun plaisir.
Mon rêve de Sainté au septième ciel est à des années lumière.
La bataille durera presque 25 bornes.
Je n'ai pas vraiment d'autres souvenirs que ces coups d'épée dans les jambes.
J'ai tout fait.
Rien n'y a fait.
Je n'ai pas regardé la nuit. Tout au plus ce ciel étoilé auquel je m'accrochais.
Maudissant ces coureurs qui avaient l'outrecuidance de courir et pire! de me doubler!
Quel intérêt.
Celui de souffrir. D'arriver en marchant. Je ne suis pas venue pour ça.
L'intérêt est venue d'une main. Posée sur mon épaule.
Un coureur qui s'arrête. Un mot. Me tend une pastille. Un je ne sais quoi. Placebo ou perlimpinpin. Mais il me la tend. Et prend de son temps, pour faire avancer le mien.
Le corps est une machine étrange me dit-il. Qui passe de trépas à vie en une seule foulée. Une seule.
Essaye. N'arrête jamais d'essayer.
Arrivée à Saint Genoux. 40 km. J'avais prévu d'arrêter.
Je visse ma musique. Resserre mes lacets. Avale un thé. Comme à chaque ravitaillement je reste en mouvements. Toujours.
Jamais s'assoir. Jamais. Recharge mes bidons. Accroche un regard qui semble dire "confiance!".
Respire. Et décide de ne plus jamais lâcher.
Au kilomètre 42, très exactement, alors que je n'avais jamais couru au delà de la distance, je rentre enfin dans ma course!
Je viens de traverser 4 heures de tempête au coeur d'une nuit qui n'a jamais été aussi calme douce et favorable sur le tracé d'une SaintéLyon.
Fermée dans un blindage fabriqué à la hâte, sans un oeil pour ma montre et sa litanie de kilomètres qui s'égrainent, j'avance, mètre après mètre, les yeux rivés sur mon cercle de lumière qui ouvre la route.
Les chevilles fatiguées se tordent. Droite puis gauche. Les orteils mordent la chaussure, le coeur s'emballe parfois sur une descente mal maitrisée. La lampe s'éteint sans prévenir. Je recharge sur le bord, prends un antalgique, redémarre, concentrée, toujours, sur ces débuts de crampes qui jamais ne m'offrent de répit.
Quand je lève le nez, c'est ma Lulu-étoile, partie trop tôt et qui devait être à Lyon pour me cueillir, elle avait promis. C'est ma Lulu-étoile que je vois briller, et qui me fait des clins Dieu depuis son perchoir céleste.
Je ne maitrise pas le chrono. Je ne maitrise pas le terrain. Ni le temps qui file, ni le caillou qui roule. Je ne maitrise rien de tout cela. Mais Je fais plier, à force de volonté, ce corps qui cette nuit, avait décidé de ne pas coopérer.
A Soucieux, kilomètre 50, j'ai repris un rythme plus qu'acceptable et je remonte le flot.
Le jour se lève sur ce champ d'espoir en ruine, mais l'arrivée rapide sur Chaponost, dernier ravitaillement, réveille mon esprit compétiteur.
La course est machinale.
Je pense aux brasiers, aux mains d'un bénévole, harcelé de coureur pressés et hargneux, qui me sert moi, avant, parce que je ne tends pas le gobelet, mais que je demande en souriant.
Je pense au concurrent, que je fais rire d'une blague au sortir d'une ornière, et qui se tourne les larmes dans les yeux en me remerciant d'humaniser sa peine de l'instant. Je pense à la vue sur Lyon, aux vignes, au tapis de feuilles, à la croix bleue de Sainte Catherine, phare dans la nuit.
Je pense à cette enfant, juchée sur des épaules, criant de tout son sourire des vivats aux coureurs. Petite fille dans la nuit, qui se souviendra longtemps de sa veillée d'arme, pour soutenir un père, un tonton peut-être, ou juste parce que ses parents, lui ont dit combien c'est important, dans ces instants, d'offrir à l'inconnu un bouquet de fraîcheur. Il passe parfois sans manifester sa reconnaissance, mais l'image s'infiltre dans le subconscient, et revient, au jour du bilan, pour illustrer mieux qu'un grand discours, le pourquoi de tout cela.
Je double toujours, sur le dernier 10, pestant parfois contre les coureurs de la "petite" course qui font salon, à marcher de front, balançant les bâtons dans les jambes du derrière, sans considération pour ceux qui reviennent des ténèbres.
Au détour d'une rue, une volée d'escaliers plonge sur le vaisseau Confluence. Ne pas se précipiter. J'ai envie de sauter. Les yeux veulent rire, ils s'embrouillent et pleurent un peu, les bêtas. Ma montre sonne la fin de sa charge. Nous sommes synchro elle et moi, à vider nos batteries de concert!
Un pont, crochet, berges et passerelle. Pont.
Les visiteurs se pressent. Cloches, cris et trompettes. Virage devant la Halle Tony Garnier, si désirée.
Je veux sourire mais je grimace, deux mains sur les tempes, je veux pleurer, mais rien ne vient. Cherche des bras, un appuis, un je ne sais quoi, oubliant une seconde que je suis venue seule et que personne ne m'attend! Titube, si peu. Balaye la halle du regard. Conquérante. Quoi? J'ai bien le droit!
Plantée devant les cartons de victuailles, je ne sais que piocher. Demande un grand café. Y plonge trois sucres entiers. Me ressers, tout aussi chargé et retrouve enfin mes esprits.
Je reviens vers la barrière, qui ceinture l'arche, et je vois Daddy, mon compagnon sur le départ, franchir l'arrivée à son tour, visage marqué par l'émotion, et j'ai l'impression qu'il exprime à l'instant, ce que je voulais sortir et qui reste coincé, chez moi, quelque part entre le coeur et les yeux.
Je crie son prénom. Ça me libère, c'est bête. Il n'a peut-être pas envie de ça. Je réalise après que je n'ai pas le droit de m'approprier ainsi l'arrivée d'un autre. Mais il vient vers moi, et me serre. Juste rien. Mais c'est beaucoup. Il ne me fallait que ça, pour qu'enfin.
Eclate ma joie.
Saintélyon 2015. Première distance au delà du marathon. Premier trail au delà de 33 km. Je m'étais promis une SaintéLyon de bronze. J'ai fait 9h 24 de course! Sub 10h. Décrochée haut la main, et malgré tout.
Mon inconsciente inconscience avait même envisagé un chrono entre 8h 30 et 9 heures.
Revanche en 2016!
Merci du fond du coeur à Marvin, fédérateur de choc, à Stéphane, attentif, posé et qui a embelli mes heures d'attente, à Florent et Virginie plein de fraicheur, à Marine, qui n'a pas faibli.
Merci à David, pour le départ, et pour l'arrivée.
Merci à Hélène aussi, que j'aimerai vraiment connaitre mieux et à Enzo, même si nous nous sommes ratés !
Merci aux Lapins: Un mythe de les voir arriver !
Merci à Eric, Jean-Marc, Laurent, Denis, Sissi, Ludo, Christophe et tant d'autres pour les conseils.
Merci.
You Rock et ça c'est bon ;)
jeudi 26 novembre 2015
Tombe rider
Je joue à l'équilibre ces derniers temps.
On a tous un peu perdu pied il est vrai.
Une France pas dans son assiette, la vie qui chancelle et malgré tout continuer à marcher droit sans se répandre en inutiles débats.
La sortie de mon livre - de couture, un jour peut-être déblatérerai-je sur la course à pied, enfin la mienne, celle qui consiste à mettre un pied devant l'autre, parfois pour mordre la poussière sans jamais toutefois perdre des yeux le divin équilibre entre plaisir et compétition -
La sortie de mon livre donc m'a permis de glisser sur ce champs de ruines, il tombait pile pour m'inciter à ne pas chavirer et à tracer ma route.
Le dimanche après l'horreur, la course locale fut maintenue.
J'ai mis un ruban à mon dossard, ça tombait sous le sens.
Le peloton du départ se répand en bruissements. L'ambiance est positivement renversante et sur le fil, premier rang en équilibre on attend bruyamment le départ.
La minute de silence tombe comme un ordre sur la masse en désordre.
Chut.
Le coureur groggy se sert de sa manche comme mou-choir. Il n'est plus trop dans son assiette quand sonne le glas du départ qui nous prend presque par surprise.
Le devant butte. Le côté glisse.
Patatras. 4 fers en l'air. Me relève et titube, trébuche à nouveau, bousculée par la masse.
Le ruban comme un signe est maculé de sang. Rien de grave. J'ai un peu mal, bonne nouvelle.
Loin de me faire perdre pied, ce gadin m'incite à la culbute mentale: Tu veux te frotter au bitume ? Ok, chrono sur 4'20. Et on trace.
La gentille dame sur l'arrivée me cueille comme si j'allais m'effondrer. Je lui dis ok ça va, elle ne veut pas me lâcher de peur de me voir choir. J'ai couru je lui dis. Je peux marcher !
Elle insiste, je la suis, elle essuie et débarrasse les graviers qui jonchent la plaie et le médecin, pendant que deux coureuses tombées dans les pommes gisent sur des civières, me recoud le coude.
Les travaux d'aiguille se finissent juste à temps. On m'appelle au comptoir. Au bar. Pardon sur l'estrade. Chanceuse chancelante. Je tombe un peu des nues et pour une fois je ne m'y casse pas le nez: Podium catégorie. Je rafle fleurs et vin.
Le prochain qui me dit que je délaisse la couture pour la course je le culbute.
Dans 10 jours mon univers CAP s'ouvre sur toujours plus. Je bascule sur la glissante pente de l'ultra en frottant mon équilibre sur la Saintélyon.
J'espère ne pas tomber de Charybde en Scylla. Consciente de mon inconscience, je ne perdrai pas pied:
L'air de rien, j'suis pas tombée de la dernière pluie et j'en ai gardé un peu sous le coude!
On a tous un peu perdu pied il est vrai.
Une France pas dans son assiette, la vie qui chancelle et malgré tout continuer à marcher droit sans se répandre en inutiles débats.
La sortie de mon livre - de couture, un jour peut-être déblatérerai-je sur la course à pied, enfin la mienne, celle qui consiste à mettre un pied devant l'autre, parfois pour mordre la poussière sans jamais toutefois perdre des yeux le divin équilibre entre plaisir et compétition -
La sortie de mon livre donc m'a permis de glisser sur ce champs de ruines, il tombait pile pour m'inciter à ne pas chavirer et à tracer ma route.
Le dimanche après l'horreur, la course locale fut maintenue.
J'ai mis un ruban à mon dossard, ça tombait sous le sens.
Le peloton du départ se répand en bruissements. L'ambiance est positivement renversante et sur le fil, premier rang en équilibre on attend bruyamment le départ.
La minute de silence tombe comme un ordre sur la masse en désordre.
Chut.
Le coureur groggy se sert de sa manche comme mou-choir. Il n'est plus trop dans son assiette quand sonne le glas du départ qui nous prend presque par surprise.
Le devant butte. Le côté glisse.
Patatras. 4 fers en l'air. Me relève et titube, trébuche à nouveau, bousculée par la masse.
Le ruban comme un signe est maculé de sang. Rien de grave. J'ai un peu mal, bonne nouvelle.
Loin de me faire perdre pied, ce gadin m'incite à la culbute mentale: Tu veux te frotter au bitume ? Ok, chrono sur 4'20. Et on trace.
La gentille dame sur l'arrivée me cueille comme si j'allais m'effondrer. Je lui dis ok ça va, elle ne veut pas me lâcher de peur de me voir choir. J'ai couru je lui dis. Je peux marcher !
Elle insiste, je la suis, elle essuie et débarrasse les graviers qui jonchent la plaie et le médecin, pendant que deux coureuses tombées dans les pommes gisent sur des civières, me recoud le coude.
Les travaux d'aiguille se finissent juste à temps. On m'appelle au comptoir. Au bar. Pardon sur l'estrade. Chanceuse chancelante. Je tombe un peu des nues et pour une fois je ne m'y casse pas le nez: Podium catégorie. Je rafle fleurs et vin.
Le prochain qui me dit que je délaisse la couture pour la course je le culbute.
Dans 10 jours mon univers CAP s'ouvre sur toujours plus. Je bascule sur la glissante pente de l'ultra en frottant mon équilibre sur la Saintélyon.
J'espère ne pas tomber de Charybde en Scylla. Consciente de mon inconscience, je ne perdrai pas pied:
L'air de rien, j'suis pas tombée de la dernière pluie et j'en ai gardé un peu sous le coude!
jeudi 5 novembre 2015
La Blonde et la FFA. Ou comment j'essaie de traduire une règle compliquée avec des mots simples.
Le truc s'est passé à Lyon. Au marathon de Lyon. Celui que lablonde, enfin, la-presque-blonde-avec-du-fil-argent-dedans, a couru il y a quelques semaines.
Ça s'est plutôt bien passé pour elle. Faut aller lire le topo ici. La balade était assez sympa, et le truc cocasse, c'est que la fille, venue de rien, elle a presque failli tutoyer le podium.
Presque.
Bon, tu vas me dire. Le niveau n'était pas des masses élevé pour un marathon de cette ampleur. Much ado about nothing pour les grands de ce monde d'athlètes, et c'est un brin dommage parce que sincèrement, ce tracé là il est bien roulant comme il faut, avec des autoroutes pour piquer une pointe et une jolie ambiance dans une très chouette ville.
Au final lablonde-argentée est arrivée 4ème féminine.
Alors bon, elle arrive 4 ème, ok, elle jubile quand même vachement et puis rentrée à la maison, avec sa belle médaille son vilain t-shirt et ses maigres courbatures elle va zieuter son joli diplôme ASO, histoire de bicher un peu devant ses mômes et là, bah c'est Noël : Le classement est formel : 3ème féminine !
Elle tourne le truc dans tous les sens, interroge son grand gourou d'entraineur du club, interpelle les organisateurs, tweete, hashtague, tague et enquête. Silence.
Et puis un jour, toque à la bonne porte.
La bonne porte s'appelle Jean-Marc, c'est un grand manitou qui travaille à pondre des règlements super compliqués pour un sport qui consiste à mettre un pied devant l'autre pour essayer, éventuellement de gratter son prochain. Un jeu de cours de récré, pour des grands enfants.
-Lablonde : "Bonjour monsieur de la Eféfa ! Dites moi, pourquoi vous m'avez volé mon podium ?!"
-LaEféfa : "Bonjour lablonde. Votre podium n'est pas à vous. Il est aux trois premières arrivées sur la ligne d'arrivée. Logique !"
"Ah, oui mais je proteste, si on prend en compte mon temps de course, je suis bien sur le podium !"
"Eh bé non vois-tu mon enfant. En course, ça a toujours été comme ça, tu peux demander à Hippodomie, Georgette Lenoir, Marie-Jo ou Christelle Daunay, c'est la première arrivée la première servie, peu importe son chrono !"
"Vache. Mais, si la fille elle se pointe première alors que, elle a couru, on va dire, qu'un tiers de la course. Les messieurs du chrono, ils ne la font pas monter sur le podium tout de même ? "
"…Au risque de te surprendre lablonde, si. Mais gare à la grugeuse. Si elle passe une ligne de fin de course avec un dossard et qu'après vérification on lève le lièvre, elle est interdite de séjour sur les courses. Hop, dégagée. Si on porte un dossard, on se doit de courir la distance intégralement. Sinon c'est tricher. C'est arrivé tout dernièrement à Nairobi, le type, Julius de son petit nom, il est arrivé second en ne courant qu'un seul kilomètre le malin. Bon, ça n'a pas pris, mais il aurait pu monter sur le podium lui aussi ! Quand la grand messe des remises de prix est dite, on ne revient pas en arrière. On déclasse après coup. Et c'est ce qui arrive avec les cas de dopage."
"Et ça arrive souvent que l'ordre du podium ne soit pas le même que l'ordre des chronos ?"
"Ça arrive. Tiens, tout dernièrement au semi de Lille. Très beau niveau. Autrement plus rapide qu'à Lyon. Bon, et bien, le podium n'aurait pas été le même si on avait pris en compte le temps de course réel. Ça se joue en dixième de seconde à ce niveau là. Mais si on prend stricto sensu le chrono de la puce, il peut y avoir des surprises. Mais c'est la règle. C'est le temps officiel qui compte. Enfin. Pas pour tout le monde !"
"… pas pour tout le monde ?! Attend, je branche des neurones. J'ai du mal à suivre avec cette histoire de temps réel et de temps officiel moi !"
"Ok ok, je te l'accorde, c'est un chouille compliqué…
Quand tu t'alignes sur une course, il y a une puce sur ton dossard. Ok ?"
"bon. Oui, merci pour l'info. Blonde mais pas que !"
"Ok. La puce se déclenche quand tu passes la ligne de départ. Elle enregistre toute ta course et s'arrête au moment où tu poses le pied sur la ligne d'arrivée. Magique."
"on n'arrête pas le progrès. Ça doit super faciliter les choses pour dresser le classement en temps réel !"
"En temps réel. Tu l'as dit ! La puce enregistre ton temps réel de course. Le temps que tu as mis exactement pour parcourir le kilométrage imposé. Avec les lignes intermédiaires, on sait exactement à combien tu es passée aux 10, au semi, aux 30…"
"Ouais, carrément, j'étais pas mauvaise hein ?"
"…Mouaif. A ton niveau de IR4 si tu veux !"
"Hier quoi ? Pose et démêle veux-tu monsieur Eféfa."
"C'est un peu long. Mais c'est important. Il y a plein de classifications. Elles sont internationales IA et IB, Nationales N quéqu'chose, Inter-régionales IR - toi !- Régionales R toutcourt et Départementales…"
"…D !"
"Bingo. Avec des niveaux de 4 à 1 dans les N,IR, R et D. Bon. Comme on parle de marathon on va rester là dessus, sinon on y passe la semaine. Y'a pas très longtemps, deux ans, on a décidé avec les collègues de réglementer les courses de plus de 1000 participants. Exemple, le marathon de Lyon.
On a dit, bon. Y'a les coureurs lambda. Et puis il y a les coureurs classés."
"Heu… C'est pas sympa de faire des paquets comme ça moi je dis, c'est pas très fair-play. On est tous des athlètes, no pain no tartine, Just do it, Forever sport et toussa toussa !"
"Et deviens ce que tu es, Nike ta mère en baskets et caetera Voilà. Cours Forrest, pour te classer…ou pas !"
"Bon, je te l'accorde. Alors. les classés et les déclassés ou pas classés. A part la vitesse, c'est quoi la différence ?"
" Les classés mais pas tous !"
"ça devient relou là"
"Les classés, depuis IA, les meilleurs, jusqu'à IR4, les moins bons"
"Oh, ça va hein !"
"Les moins bons du paquet classé ! Jusqu'à IR4 inclus, donc, on va prendre en compte leur temps officiel. Et pas leur temps réel. "
"Le temps officiel, c'est bien celui du départ de course ? Le premier départ de la première vague de départ de course. Le "Pan", le coup de canon, la trompette, le Hue dia quoi ?"
"C'est ça. Le chronomètre officiel, c'est celui qui galope depuis le coup de pistolet jusqu'au dernier arrivé. C'est le gros chronomètre que tu vois au dessus de l'arche d'arrivée du marathon. Le même qui est perché sur la voiture qui devance les élites de la course. C'est le chronomètre officiel. C'est celui-ci qui sera retenu pour toi et tes petits camarades classés. Pour tous les autres, on prendra en compte le chronomètre de leur temps réel de course."
"…Vachte ! Mais. Mais. Tu entends ce que tu me dis là ?! Mais c'est du pas juste du tout ça ! Et puis je t'arrête tout de suite. Moi, je n'étais pas classée en arrivant au marathon de Lyon. Vous me sortez ça de rien, et juste parce que vous avez décrété que j'étais IR4 que j'ai même pas demandé, vous me rajoutez des minutes sur mon chrono. Je m'excuse mais merde, pas classée, temps réel. Tu vois, j'ai bien tout compris. Hé ! Y'en a là dedans !"
"…Classée. C'est ton chrono réel au marathon de Lyon qui t'a classée IR4. Pour les femmes, il faut faire un chrono entre 3h 32 et 3h 24 pour rentrer dans cette catégorie. C'est ce que tu as fait !"
"D'abord j'ai fait 3h 23' 53". J'suis IR3. Toc."
"Tu chipotes. Tout à l'heure tu ne voulais pas être classée faut savoir !"
"C'est pas simple à la FFA dis donc."
"C'est encore moins simple que simple, c'est moi qui te l'dis, on s'est fait des sacrées séances de capilotractage à la fédé. Personne n'était d'accord, et les infos ne sont pas remontées dans les clubs encore à l'heure actuelle ! Ça fiche une sacrée pagaille. Des cas comme toi on en a quelques uns. Mais uniquement chez les filles !"
"Ah, v'la autre chose ! Qu'est ce qu'on a fait en-co-re ?"
"Pour comprendre il faut que tu saches que pour accéder à la même catégorie que la tienne, un mec doit faire un temps au marathon vachement plus balèze, à savoir entre 2h 40 et 2h 44 !"
"Ah oui, quand même…"
"C'est ça. Les mecs IR4 ils partent donc tous en tête de course. La question ne se pose même pas ! On a jamais de problème. Alors que les filles, bah, même en étant IR4, elles ne peuvent souvent, sur les gros marathons, pas accéder au premier sas de départ, celui qui part donc au coup de pistolet. Celui qui part au temps officiel. Et pourtant, c'est bien ce temps là qui va les suivre !"
"Insurrection ! Terrorisme patriarcal !"
"…Si tu veux faire 2h40 vas-y hein ! Je te rassure, ton chrono réel il existe, il est à toi, tu as réellement fait 3h 23'53", tu pourras t'en servir pour accéder à un sas 3h 15 sur le prochain marathon! Mais sur le site de la FFA nous prenons le temps officiel, c'est comme ça"
" Alors, je t'arrête tout de suite, si tu veux mon temps officiel, il est exactement de 3h 38' 53" puisque je suis partie 15 minutes après le départ officiel. Et bing. Tu le sors d'où ton 3h 32 là sur ton classement ? Et puis oh, on ne me la fait pas moi, on est quand même 10 féminines en 3h 32 sur le classement officiel FFA de Lyon, c'est pas un poil comique ça ? "
"Respire. C'est là que ça se complique"
"t'es un marrant toi…"
"On n'est pas des tortionnaires. Chez les filles, en effet, il arrive très souvent que le chrono officiel soit trop important par rapport au chrono réel. Dans ton cas c'est vraiment flagrant !"
"…Oui merci j'avais vu, tu sais combien il faut en faire des tours de piste en amont pour gratter 9 minutes sur marathon ?"
"Non, j'ai jamais fait de chrono. Bon, revenons au sujet. Dans un cas comme le tiens, on va prendre tout le paquet de coureuses qui a fait un temps réel IR4 et on va les ramasser en un unique chrono, celui qui ouvre la catégorie, à savoir 3h 32 ici. Mais on va les classer dans l'ordre du chrono réel, donc, dans le cas du marathon de Lyon, c'est bien toi qui est en tête."
"Mais c'est l'hallu votre règle ! ça veut dire qu'un coureur qui réalise 3h 34, il sera classé FFA avec son chrono réel et que moi, classée IR4 je vais être rabaissée à 3h 32 soit 2 minutes de moins que lui alors qu'en réalité j'ai couru 10 minutes de moins que lui !!? Et qu'en plus, cerise sur le gatosport, je dégringole d'autant dans le classement !"
"J'avoue. C'est un peu le problème. Mais on a tourné les choses dans tous les sens et on n'a pas trouvé de solution plus juste. Les féminines dans ta catégorie, c'est à dire 10 à tout casser sur un gros marathon, vous êtes un peu les sacrifiées. Pour être justes pour les élites et justes pour la grande majorité des coureurs, on a dû créer un ventre mou.."
"Ventre mou mes fesses. Je fais de la PPG vois-tu"
"…Une zone flottante qui serait un peu défavorisée. Surtout dans les courses à départs par sas bien-sûr. Il faut que tu partes impérativement en tête !"
" Oui mais sur les grands marathons on n'a pas le choix ! Impossible à Paris de me placer en tête ! En plus de ça y'a toujours des p'tits malins qui engorgent les sas de tête histoire d'arriver plus vite à l'apéro ! Je vais devoir me mettre dans le sas 3h 15, soit un départ 5 minutes après le départ des élites. J'aurai quoi qu'il arrive 5' de plus sur mon chrono retenu par la FFA, juste parce que je suis classée ! Merci bien ! Et on peut être classé sans être affilié ?"
" Pas la peine de quitter la famille pour ça Lablonde, même les non affiliés sont classés. Et puis ceux qui veulent prendre l'apéro il faut qu'ils respectent les règles! Mais ça c'est du ressort de l'organisateur pour le respect des règles de départ. Ils ne savent certainement pas qu'ils perturbent des coureurs qui ont un enjeu de chrono ! Effet de masse, encore ! Peut-être font ils aussi moins attention à leur classement FFA voilà tout. toi il s'enregistre automatiquement dans ta fiche et en plus chacun de tes résultats donne des points à ton club…ou pas: Sacrée pression non ?!"
"Mais, vous êtes un peu couillons à la FFA non. Autant de sas autant de départs officiels, c'est pas sorcier avec le tout numérique maintenant !?"
"Merci bien on y a pensé ! C'est même ce qu'on voulait ! Mais impossible de faire passer ça. Pour deux raisons bien simples: D'abord les grosses machines qui organisent les marathons de masse n'ont pas voulu. trop compliqué. Et puis surtout, on veut de la compet, du mordant, des coureurs qui s'arrachent, on veut du spectacle et de l'image ! Et puis que tout puisse s'enchainer tout de suite. Les médias sont là, il faut un podium, il faut des premiers sans attendre ! Tu imagines si on doit attendre le dernier arrivé du dernier sas pour être sûr de bien classer les gens ? Et si un petit N1…"
"…Un nain est forcement petit. lapalissade"
"N 1 comme National 1, s'amuse à partir tout derrière, on fait comment pour le classer après ?"
"Ventre mou, tant pis pour le malin nain"
"On ne joue pas à ça avec un N1 Lablonde. Ce que je veux dire c'est qu'il y a de nombreux paramètres à prendre en compte, et que pour compliquer tout ça, il y a les exigences des organisateurs. Un beau mélange explosif ! Mais nous avons besoin d'eux et ils ont besoin de nous."
"Alors il faut que je fasse quoi moi, pour sortir du ventre mou ?"
"Un petit marathon. Où tu es certaine de partir devant. Si tu tiens à ton chrono officiel bien-sûr. Parce que ton temps, il est à toi. Et personne ne te l'enlèvera. Et puis n'oublie pas. On est tous des athlètes ;)"
Un immense merci à Jean-Marc élément clé de la Commission Nationale des Courses Hors Stade de la FFA qui a passé du temps à répondre à mes questions de blonde concernant le classement sur les courses de fond hors stade. J'espère avoir démêlé tout ça correctement.
J'espère également qu'il ne m'en voudra pas de ce ton frisant la familiarité, on n'a pas levé le coude ensemble, mais je prends note de son invitation à courir dans la Drôme. Parait que là bas, y'a pas de sas.
Peace and love…Mais en baskets !
Pour ceusses qui ont encore des yeux et un peu de temps en rab, Petite histoire amusante des femmes en athlétisme au cours de l'Histoire ici: Clic ! :) ça vaut son pesant de Gel énergétique !
Ça s'est plutôt bien passé pour elle. Faut aller lire le topo ici. La balade était assez sympa, et le truc cocasse, c'est que la fille, venue de rien, elle a presque failli tutoyer le podium.
Presque.
Bon, tu vas me dire. Le niveau n'était pas des masses élevé pour un marathon de cette ampleur. Much ado about nothing pour les grands de ce monde d'athlètes, et c'est un brin dommage parce que sincèrement, ce tracé là il est bien roulant comme il faut, avec des autoroutes pour piquer une pointe et une jolie ambiance dans une très chouette ville.
Au final lablonde-argentée est arrivée 4ème féminine.
Alors bon, elle arrive 4 ème, ok, elle jubile quand même vachement et puis rentrée à la maison, avec sa belle médaille son vilain t-shirt et ses maigres courbatures elle va zieuter son joli diplôme ASO, histoire de bicher un peu devant ses mômes et là, bah c'est Noël : Le classement est formel : 3ème féminine !
Elle tourne le truc dans tous les sens, interroge son grand gourou d'entraineur du club, interpelle les organisateurs, tweete, hashtague, tague et enquête. Silence.
Et puis un jour, toque à la bonne porte.
La bonne porte s'appelle Jean-Marc, c'est un grand manitou qui travaille à pondre des règlements super compliqués pour un sport qui consiste à mettre un pied devant l'autre pour essayer, éventuellement de gratter son prochain. Un jeu de cours de récré, pour des grands enfants.
-Lablonde : "Bonjour monsieur de la Eféfa ! Dites moi, pourquoi vous m'avez volé mon podium ?!"
-LaEféfa : "Bonjour lablonde. Votre podium n'est pas à vous. Il est aux trois premières arrivées sur la ligne d'arrivée. Logique !"
"Ah, oui mais je proteste, si on prend en compte mon temps de course, je suis bien sur le podium !"
"Eh bé non vois-tu mon enfant. En course, ça a toujours été comme ça, tu peux demander à Hippodomie, Georgette Lenoir, Marie-Jo ou Christelle Daunay, c'est la première arrivée la première servie, peu importe son chrono !"
"Vache. Mais, si la fille elle se pointe première alors que, elle a couru, on va dire, qu'un tiers de la course. Les messieurs du chrono, ils ne la font pas monter sur le podium tout de même ? "
"…Au risque de te surprendre lablonde, si. Mais gare à la grugeuse. Si elle passe une ligne de fin de course avec un dossard et qu'après vérification on lève le lièvre, elle est interdite de séjour sur les courses. Hop, dégagée. Si on porte un dossard, on se doit de courir la distance intégralement. Sinon c'est tricher. C'est arrivé tout dernièrement à Nairobi, le type, Julius de son petit nom, il est arrivé second en ne courant qu'un seul kilomètre le malin. Bon, ça n'a pas pris, mais il aurait pu monter sur le podium lui aussi ! Quand la grand messe des remises de prix est dite, on ne revient pas en arrière. On déclasse après coup. Et c'est ce qui arrive avec les cas de dopage."
"Et ça arrive souvent que l'ordre du podium ne soit pas le même que l'ordre des chronos ?"
"Ça arrive. Tiens, tout dernièrement au semi de Lille. Très beau niveau. Autrement plus rapide qu'à Lyon. Bon, et bien, le podium n'aurait pas été le même si on avait pris en compte le temps de course réel. Ça se joue en dixième de seconde à ce niveau là. Mais si on prend stricto sensu le chrono de la puce, il peut y avoir des surprises. Mais c'est la règle. C'est le temps officiel qui compte. Enfin. Pas pour tout le monde !"
"… pas pour tout le monde ?! Attend, je branche des neurones. J'ai du mal à suivre avec cette histoire de temps réel et de temps officiel moi !"
"Ok ok, je te l'accorde, c'est un chouille compliqué…
Quand tu t'alignes sur une course, il y a une puce sur ton dossard. Ok ?"
"bon. Oui, merci pour l'info. Blonde mais pas que !"
"Ok. La puce se déclenche quand tu passes la ligne de départ. Elle enregistre toute ta course et s'arrête au moment où tu poses le pied sur la ligne d'arrivée. Magique."
"on n'arrête pas le progrès. Ça doit super faciliter les choses pour dresser le classement en temps réel !"
"En temps réel. Tu l'as dit ! La puce enregistre ton temps réel de course. Le temps que tu as mis exactement pour parcourir le kilométrage imposé. Avec les lignes intermédiaires, on sait exactement à combien tu es passée aux 10, au semi, aux 30…"
"Ouais, carrément, j'étais pas mauvaise hein ?"
"…Mouaif. A ton niveau de IR4 si tu veux !"
"Hier quoi ? Pose et démêle veux-tu monsieur Eféfa."
"C'est un peu long. Mais c'est important. Il y a plein de classifications. Elles sont internationales IA et IB, Nationales N quéqu'chose, Inter-régionales IR - toi !- Régionales R toutcourt et Départementales…"
"…D !"
"Bingo. Avec des niveaux de 4 à 1 dans les N,IR, R et D. Bon. Comme on parle de marathon on va rester là dessus, sinon on y passe la semaine. Y'a pas très longtemps, deux ans, on a décidé avec les collègues de réglementer les courses de plus de 1000 participants. Exemple, le marathon de Lyon.
On a dit, bon. Y'a les coureurs lambda. Et puis il y a les coureurs classés."
"Heu… C'est pas sympa de faire des paquets comme ça moi je dis, c'est pas très fair-play. On est tous des athlètes, no pain no tartine, Just do it, Forever sport et toussa toussa !"
"Et deviens ce que tu es, Nike ta mère en baskets et caetera Voilà. Cours Forrest, pour te classer…ou pas !"
"Bon, je te l'accorde. Alors. les classés et les déclassés ou pas classés. A part la vitesse, c'est quoi la différence ?"
" Les classés mais pas tous !"
"ça devient relou là"
"Les classés, depuis IA, les meilleurs, jusqu'à IR4, les moins bons"
"Oh, ça va hein !"
"Les moins bons du paquet classé ! Jusqu'à IR4 inclus, donc, on va prendre en compte leur temps officiel. Et pas leur temps réel. "
"Le temps officiel, c'est bien celui du départ de course ? Le premier départ de la première vague de départ de course. Le "Pan", le coup de canon, la trompette, le Hue dia quoi ?"
"C'est ça. Le chronomètre officiel, c'est celui qui galope depuis le coup de pistolet jusqu'au dernier arrivé. C'est le gros chronomètre que tu vois au dessus de l'arche d'arrivée du marathon. Le même qui est perché sur la voiture qui devance les élites de la course. C'est le chronomètre officiel. C'est celui-ci qui sera retenu pour toi et tes petits camarades classés. Pour tous les autres, on prendra en compte le chronomètre de leur temps réel de course."
"…Vachte ! Mais. Mais. Tu entends ce que tu me dis là ?! Mais c'est du pas juste du tout ça ! Et puis je t'arrête tout de suite. Moi, je n'étais pas classée en arrivant au marathon de Lyon. Vous me sortez ça de rien, et juste parce que vous avez décrété que j'étais IR4 que j'ai même pas demandé, vous me rajoutez des minutes sur mon chrono. Je m'excuse mais merde, pas classée, temps réel. Tu vois, j'ai bien tout compris. Hé ! Y'en a là dedans !"
"…Classée. C'est ton chrono réel au marathon de Lyon qui t'a classée IR4. Pour les femmes, il faut faire un chrono entre 3h 32 et 3h 24 pour rentrer dans cette catégorie. C'est ce que tu as fait !"
"D'abord j'ai fait 3h 23' 53". J'suis IR3. Toc."
"Tu chipotes. Tout à l'heure tu ne voulais pas être classée faut savoir !"
"C'est pas simple à la FFA dis donc."
"C'est encore moins simple que simple, c'est moi qui te l'dis, on s'est fait des sacrées séances de capilotractage à la fédé. Personne n'était d'accord, et les infos ne sont pas remontées dans les clubs encore à l'heure actuelle ! Ça fiche une sacrée pagaille. Des cas comme toi on en a quelques uns. Mais uniquement chez les filles !"
"Ah, v'la autre chose ! Qu'est ce qu'on a fait en-co-re ?"
"Pour comprendre il faut que tu saches que pour accéder à la même catégorie que la tienne, un mec doit faire un temps au marathon vachement plus balèze, à savoir entre 2h 40 et 2h 44 !"
"Ah oui, quand même…"
"C'est ça. Les mecs IR4 ils partent donc tous en tête de course. La question ne se pose même pas ! On a jamais de problème. Alors que les filles, bah, même en étant IR4, elles ne peuvent souvent, sur les gros marathons, pas accéder au premier sas de départ, celui qui part donc au coup de pistolet. Celui qui part au temps officiel. Et pourtant, c'est bien ce temps là qui va les suivre !"
"Insurrection ! Terrorisme patriarcal !"
"…Si tu veux faire 2h40 vas-y hein ! Je te rassure, ton chrono réel il existe, il est à toi, tu as réellement fait 3h 23'53", tu pourras t'en servir pour accéder à un sas 3h 15 sur le prochain marathon! Mais sur le site de la FFA nous prenons le temps officiel, c'est comme ça"
" Alors, je t'arrête tout de suite, si tu veux mon temps officiel, il est exactement de 3h 38' 53" puisque je suis partie 15 minutes après le départ officiel. Et bing. Tu le sors d'où ton 3h 32 là sur ton classement ? Et puis oh, on ne me la fait pas moi, on est quand même 10 féminines en 3h 32 sur le classement officiel FFA de Lyon, c'est pas un poil comique ça ? "
"Respire. C'est là que ça se complique"
"t'es un marrant toi…"
"On n'est pas des tortionnaires. Chez les filles, en effet, il arrive très souvent que le chrono officiel soit trop important par rapport au chrono réel. Dans ton cas c'est vraiment flagrant !"
"…Oui merci j'avais vu, tu sais combien il faut en faire des tours de piste en amont pour gratter 9 minutes sur marathon ?"
"Non, j'ai jamais fait de chrono. Bon, revenons au sujet. Dans un cas comme le tiens, on va prendre tout le paquet de coureuses qui a fait un temps réel IR4 et on va les ramasser en un unique chrono, celui qui ouvre la catégorie, à savoir 3h 32 ici. Mais on va les classer dans l'ordre du chrono réel, donc, dans le cas du marathon de Lyon, c'est bien toi qui est en tête."
"Mais c'est l'hallu votre règle ! ça veut dire qu'un coureur qui réalise 3h 34, il sera classé FFA avec son chrono réel et que moi, classée IR4 je vais être rabaissée à 3h 32 soit 2 minutes de moins que lui alors qu'en réalité j'ai couru 10 minutes de moins que lui !!? Et qu'en plus, cerise sur le gatosport, je dégringole d'autant dans le classement !"
"J'avoue. C'est un peu le problème. Mais on a tourné les choses dans tous les sens et on n'a pas trouvé de solution plus juste. Les féminines dans ta catégorie, c'est à dire 10 à tout casser sur un gros marathon, vous êtes un peu les sacrifiées. Pour être justes pour les élites et justes pour la grande majorité des coureurs, on a dû créer un ventre mou.."
"Ventre mou mes fesses. Je fais de la PPG vois-tu"
"…Une zone flottante qui serait un peu défavorisée. Surtout dans les courses à départs par sas bien-sûr. Il faut que tu partes impérativement en tête !"
" Oui mais sur les grands marathons on n'a pas le choix ! Impossible à Paris de me placer en tête ! En plus de ça y'a toujours des p'tits malins qui engorgent les sas de tête histoire d'arriver plus vite à l'apéro ! Je vais devoir me mettre dans le sas 3h 15, soit un départ 5 minutes après le départ des élites. J'aurai quoi qu'il arrive 5' de plus sur mon chrono retenu par la FFA, juste parce que je suis classée ! Merci bien ! Et on peut être classé sans être affilié ?"
" Pas la peine de quitter la famille pour ça Lablonde, même les non affiliés sont classés. Et puis ceux qui veulent prendre l'apéro il faut qu'ils respectent les règles! Mais ça c'est du ressort de l'organisateur pour le respect des règles de départ. Ils ne savent certainement pas qu'ils perturbent des coureurs qui ont un enjeu de chrono ! Effet de masse, encore ! Peut-être font ils aussi moins attention à leur classement FFA voilà tout. toi il s'enregistre automatiquement dans ta fiche et en plus chacun de tes résultats donne des points à ton club…ou pas: Sacrée pression non ?!"
"Mais, vous êtes un peu couillons à la FFA non. Autant de sas autant de départs officiels, c'est pas sorcier avec le tout numérique maintenant !?"
"Merci bien on y a pensé ! C'est même ce qu'on voulait ! Mais impossible de faire passer ça. Pour deux raisons bien simples: D'abord les grosses machines qui organisent les marathons de masse n'ont pas voulu. trop compliqué. Et puis surtout, on veut de la compet, du mordant, des coureurs qui s'arrachent, on veut du spectacle et de l'image ! Et puis que tout puisse s'enchainer tout de suite. Les médias sont là, il faut un podium, il faut des premiers sans attendre ! Tu imagines si on doit attendre le dernier arrivé du dernier sas pour être sûr de bien classer les gens ? Et si un petit N1…"
"…Un nain est forcement petit. lapalissade"
"N 1 comme National 1, s'amuse à partir tout derrière, on fait comment pour le classer après ?"
"Ventre mou, tant pis pour le malin nain"
"On ne joue pas à ça avec un N1 Lablonde. Ce que je veux dire c'est qu'il y a de nombreux paramètres à prendre en compte, et que pour compliquer tout ça, il y a les exigences des organisateurs. Un beau mélange explosif ! Mais nous avons besoin d'eux et ils ont besoin de nous."
"Alors il faut que je fasse quoi moi, pour sortir du ventre mou ?"
"Un petit marathon. Où tu es certaine de partir devant. Si tu tiens à ton chrono officiel bien-sûr. Parce que ton temps, il est à toi. Et personne ne te l'enlèvera. Et puis n'oublie pas. On est tous des athlètes ;)"
Un immense merci à Jean-Marc élément clé de la Commission Nationale des Courses Hors Stade de la FFA qui a passé du temps à répondre à mes questions de blonde concernant le classement sur les courses de fond hors stade. J'espère avoir démêlé tout ça correctement.
J'espère également qu'il ne m'en voudra pas de ce ton frisant la familiarité, on n'a pas levé le coude ensemble, mais je prends note de son invitation à courir dans la Drôme. Parait que là bas, y'a pas de sas.
Peace and love…Mais en baskets !
Pour ceusses qui ont encore des yeux et un peu de temps en rab, Petite histoire amusante des femmes en athlétisme au cours de l'Histoire ici: Clic ! :) ça vaut son pesant de Gel énergétique !
mardi 27 octobre 2015
Parce que Lyon, sans Laurent, n'aurait pas pu être totalement LE marathon qu'il fut.
Mon Marathon de Lyon.
Compte rendu de Laurent, mon lièvre surprise.
Compte rendu de Laurent, mon lièvre surprise.
LE MARATHON DE SOPHIE
Récit d'un chrono annoncé et pulvérisé à Lyon
Cette aventure commence bien avant le jour J de la course.
Mais à quelle date précise ? Peut-être le jour du dernier pique-nique Run In Toulouse, le 26 juillet 2015 à la Ramée.
Je pense en effet que ce jour là Sophie m'a annoncé sa prochaine course : "Je fais le marathon de Lyon le 4 octobre", suivi de "Mon objectif est 3h30 !".
Il n'en faut pas d'avantage pour que germe immédiatement l'idée de venir l'accompagner dans ce challenge, tout d'abord parce que j'adore faire des surprises, et je me dis qu'un encouragement est toujours bienvenu pour relever un défi !
Etre originaire et avoir de la famille dans la région Stéphanoise, toute proche de Lyon, simplifie la logistique.
Mais venons-en à ce w-e de folie.
Départ de Toulouse samedi à 7h30, arrivée chez ma mère à Firminy (lieu de ma naissance dans la banlieue de St- Etienne) à 13h, eh oui : 5h30 de route.
Un peu avant 20h, j'appelle Sophie afin de l'encourager pour le lendemain, elle se prépare bien sûr un plat de pâtes tout comme moi, mais je me garde bien de le lui dire.
D'ailleurs elle me demande "Et toi, tu as prévu quoi ce w-e ?", et moi de répondre un brin menteur "Rien de spécial", alors qu'une heure de route m'attend pour un départ du marathon prévu à 8h30.
Nous voilà dimanche, lever à 6h du mat, puis départ direction Lyon à 6h40 avec 10 min de retard, une erreur de route me fait perdre 15 min supplémentaires.
Je décide de me garer à la gare d'Oullins, où je peux prendre le métro, il est déjà 8h, heure à laquelle je pensais retrouver Sophie avant qu'elle ne prenne le départ, je suis grave à la bourre !
Sortie du métro place Bellecour, et me voilà faire le tour de la place en courant pour trouver le bon sas de départ, en guise d'échauffement.
j'arrive enfin sur la ligne de départ quelques minutes seulement avant le coup de pistolet, je cherche Sophie désespérément, en vain, trop de monde : plus de 12000 personnes, marathon et semi confondus.
Ce n'est pas grave, puisqu'il y a des départs par vagues, je vais tranquillement attendre celui du sas 3h30, je me place à quelques centaines de mètres presque en bout de ligne droite.
Il est 8h30, le départ officiel est donné, les élites s'élancent... puis 5 min après le sas 3h15...
et enfin à 8h40 le sas qui m'intéresse particulièrement.
J'aperçois très vite Sophie, presque en tête de peloton, facilement reconnaissable avec son t-shirt Errea, sa petite jupette, et sa casquette vissée sur la tête ;-)
Je m'incruste dans la foule de coureurs, arrivé à ses côtés je lance :
"Coucou Sophie ! Ca va ?", elle tourne légèrement la tête et pousse un cri d'étonnement, j'ai l'impression que la surprise est telle, qu'elle va s'arrêter.
Après quelques secondes de réaction,
Sophie : "Mais que fais-tu là ?"
Moi : "Ben, je viens courir avec toi."
Sophie: "Mais tu es fou !", tout en me donnant une tape amicale.
Dans la foulée, je lui souhaite bon courage et lui dis que je la récupèrerai plus tard.
Elle me dira après la course qu'elle n'avait pas tout compris à ce moment là, et pensait que j'étais inscrit sur le 10 km, mais non, je suis bien venu pour son marathon, pour la soutenir, l'encourager, mais je ne sais pas encore que cette course du 4 octobre 2015 restera gravée dans notre mémoire !
Un petit tour de métro pour rejoindre la course au cimetière de la Croix-Rousse, le flot des coureurs est dense, j'aperçois à nouveau Sophie, je prends sa foulée juste devant le panneau des 15 km, c'est parti pour 27.195 km de plaisir !
Moi : "Ca va ?"
Sophie : "Oui"
Moi : "Tu es un peu en avance !"
Sophie "Oui"
Récit d'un chrono annoncé et pulvérisé à Lyon
Cette aventure commence bien avant le jour J de la course.
Mais à quelle date précise ? Peut-être le jour du dernier pique-nique Run In Toulouse, le 26 juillet 2015 à la Ramée.
Je pense en effet que ce jour là Sophie m'a annoncé sa prochaine course : "Je fais le marathon de Lyon le 4 octobre", suivi de "Mon objectif est 3h30 !".
Il n'en faut pas d'avantage pour que germe immédiatement l'idée de venir l'accompagner dans ce challenge, tout d'abord parce que j'adore faire des surprises, et je me dis qu'un encouragement est toujours bienvenu pour relever un défi !
Etre originaire et avoir de la famille dans la région Stéphanoise, toute proche de Lyon, simplifie la logistique.
Mais venons-en à ce w-e de folie.
Départ de Toulouse samedi à 7h30, arrivée chez ma mère à Firminy (lieu de ma naissance dans la banlieue de St- Etienne) à 13h, eh oui : 5h30 de route.
Un peu avant 20h, j'appelle Sophie afin de l'encourager pour le lendemain, elle se prépare bien sûr un plat de pâtes tout comme moi, mais je me garde bien de le lui dire.
D'ailleurs elle me demande "Et toi, tu as prévu quoi ce w-e ?", et moi de répondre un brin menteur "Rien de spécial", alors qu'une heure de route m'attend pour un départ du marathon prévu à 8h30.
Nous voilà dimanche, lever à 6h du mat, puis départ direction Lyon à 6h40 avec 10 min de retard, une erreur de route me fait perdre 15 min supplémentaires.
Je décide de me garer à la gare d'Oullins, où je peux prendre le métro, il est déjà 8h, heure à laquelle je pensais retrouver Sophie avant qu'elle ne prenne le départ, je suis grave à la bourre !
Sortie du métro place Bellecour, et me voilà faire le tour de la place en courant pour trouver le bon sas de départ, en guise d'échauffement.
j'arrive enfin sur la ligne de départ quelques minutes seulement avant le coup de pistolet, je cherche Sophie désespérément, en vain, trop de monde : plus de 12000 personnes, marathon et semi confondus.
Ce n'est pas grave, puisqu'il y a des départs par vagues, je vais tranquillement attendre celui du sas 3h30, je me place à quelques centaines de mètres presque en bout de ligne droite.
Il est 8h30, le départ officiel est donné, les élites s'élancent... puis 5 min après le sas 3h15...
et enfin à 8h40 le sas qui m'intéresse particulièrement.
J'aperçois très vite Sophie, presque en tête de peloton, facilement reconnaissable avec son t-shirt Errea, sa petite jupette, et sa casquette vissée sur la tête ;-)
Je m'incruste dans la foule de coureurs, arrivé à ses côtés je lance :
"Coucou Sophie ! Ca va ?", elle tourne légèrement la tête et pousse un cri d'étonnement, j'ai l'impression que la surprise est telle, qu'elle va s'arrêter.
Après quelques secondes de réaction,
Sophie : "Mais que fais-tu là ?"
Moi : "Ben, je viens courir avec toi."
Sophie: "Mais tu es fou !", tout en me donnant une tape amicale.
Dans la foulée, je lui souhaite bon courage et lui dis que je la récupèrerai plus tard.
Elle me dira après la course qu'elle n'avait pas tout compris à ce moment là, et pensait que j'étais inscrit sur le 10 km, mais non, je suis bien venu pour son marathon, pour la soutenir, l'encourager, mais je ne sais pas encore que cette course du 4 octobre 2015 restera gravée dans notre mémoire !
Un petit tour de métro pour rejoindre la course au cimetière de la Croix-Rousse, le flot des coureurs est dense, j'aperçois à nouveau Sophie, je prends sa foulée juste devant le panneau des 15 km, c'est parti pour 27.195 km de plaisir !
Moi : "Ca va ?"
Sophie : "Oui"
Moi : "Tu es un peu en avance !"
Sophie "Oui"
Je comprends très vite qu'elle est, comme il se doit, concentrée sur sa course, je respecte donc son silence, je ne suis
pas là pour la perturber, bien au contraire.
Après seulement 1 km nous entrons dans le tunnel de la Croix-Rousse, presque 2 km sans signal GPS, un silence étonnant nous entoure, avec des projections lumineuses sur les murs, il faut que j'immortalise cet instant, je galère pour trouver mon portable dans le camel bag.
Il fait assez chaud, d'ailleurs le contraste thermique est saisissant à la sortie du tunnel !
Nous poursuivons le parcours, pour attaquer le tour du Parc de la Tête d'Or. Passage au semi en 1h41, pas moins de 4 min d'avance sur l'objectif !
Et petit à petit, la connexion avec Sophie s'établit, cette partie est très belle mais je lui indique de prendre garde car le sol est jonché de marrons.
En ligne droite, j'aperçois une coureuse, je me doute que Sophie est bien placée, au regard des résultats de l'année dernière, je dois donc le lui signaler.
Moi : "Fille droit devant à 100m !"
Sophie : "Ne me mets pas la pression"
Moi : "Ok, continue sur ton rythme, tu as le temps..."
Peu après quelqu'un lance " Bravo, 4e féminine !".
Sophie est stupéfaite, puis très vite incrédule, je sens à sa réaction qu'elle n'ose y croire, j'imagine lire dans ses pensées : "Non, ce n'est pas possible !".
Plus loin d'ailleurs, sur la confusion d'un autre supporter qui lui crie "5e féminine", elle réagit :
"Ah, il ne faut pas rêver !".
Puis un déclic imperceptible se produit, portée par les encouragements Sophie prend conscience qu'elle a un coup à jouer, et si le podium était vraiment à sa portée !
Elle entame alors sa remontée, une course poursuite à l'intérieur de la course, elle est plus que jamais déterminée, je le ressens.
Elle avale le parcours à 4'45/km, imperturbable, telle un métronome, je m'inquiète un peu de ce rythme (10s de moins que prévues) car la route est encore longue, ne va-t-elle pas le payer sur les 10 derniers km ?
"Tu vas un peu vite Sophie !", elle se sent bien, alors allons-y… lentement mais sûrement, mètres après mètres, elle grignote son retard sur sa concurrente qui maintient également une bonne allure.
Après seulement 1 km nous entrons dans le tunnel de la Croix-Rousse, presque 2 km sans signal GPS, un silence étonnant nous entoure, avec des projections lumineuses sur les murs, il faut que j'immortalise cet instant, je galère pour trouver mon portable dans le camel bag.
Il fait assez chaud, d'ailleurs le contraste thermique est saisissant à la sortie du tunnel !
Nous poursuivons le parcours, pour attaquer le tour du Parc de la Tête d'Or. Passage au semi en 1h41, pas moins de 4 min d'avance sur l'objectif !
Et petit à petit, la connexion avec Sophie s'établit, cette partie est très belle mais je lui indique de prendre garde car le sol est jonché de marrons.
En ligne droite, j'aperçois une coureuse, je me doute que Sophie est bien placée, au regard des résultats de l'année dernière, je dois donc le lui signaler.
Moi : "Fille droit devant à 100m !"
Sophie : "Ne me mets pas la pression"
Moi : "Ok, continue sur ton rythme, tu as le temps..."
Peu après quelqu'un lance " Bravo, 4e féminine !".
Sophie est stupéfaite, puis très vite incrédule, je sens à sa réaction qu'elle n'ose y croire, j'imagine lire dans ses pensées : "Non, ce n'est pas possible !".
Plus loin d'ailleurs, sur la confusion d'un autre supporter qui lui crie "5e féminine", elle réagit :
"Ah, il ne faut pas rêver !".
Puis un déclic imperceptible se produit, portée par les encouragements Sophie prend conscience qu'elle a un coup à jouer, et si le podium était vraiment à sa portée !
Elle entame alors sa remontée, une course poursuite à l'intérieur de la course, elle est plus que jamais déterminée, je le ressens.
Elle avale le parcours à 4'45/km, imperturbable, telle un métronome, je m'inquiète un peu de ce rythme (10s de moins que prévues) car la route est encore longue, ne va-t-elle pas le payer sur les 10 derniers km ?
"Tu vas un peu vite Sophie !", elle se sent bien, alors allons-y… lentement mais sûrement, mètres après mètres, elle grignote son retard sur sa concurrente qui maintient également une bonne allure.
Après plusieurs km, nous arrivons à sa hauteur.
Sophie cache son émotion, il ne faut pas qu'elle tombe dans l'euphorie. Je lui prodigue un petit conseil presque chuchoté pour ne pas être entendu par l'adversaire : "Elle résiste, c'est normal, mais continue à ce rythme, elle va décrocher…"
Le coude à coude va durer de longues minutes, sous les encouragements du public, conscient et admiratif de la bataille qui se joue à ce moment précis, les deux coureuses sont quant à elles silencieuses, focalisées sur l'allure à maintenir. Les kilomètres continuent de défiler puis, inlassablement l'écart se creuse à nouveau mais cette foi-ci à l'avantage de Sophie. Il faut rester concentrée.
Nous avons ainsi passé le mur du 30 ème kilomètre sans broncher, Sophie ne présente aucun signe de fatigue, je prends alors conscience qu'elle est en train de réaliser un marathon d'anthologie !
Le coude à coude va durer de longues minutes, sous les encouragements du public, conscient et admiratif de la bataille qui se joue à ce moment précis, les deux coureuses sont quant à elles silencieuses, focalisées sur l'allure à maintenir. Les kilomètres continuent de défiler puis, inlassablement l'écart se creuse à nouveau mais cette foi-ci à l'avantage de Sophie. Il faut rester concentrée.
Nous avons ainsi passé le mur du 30 ème kilomètre sans broncher, Sophie ne présente aucun signe de fatigue, je prends alors conscience qu'elle est en train de réaliser un marathon d'anthologie !
Nous traversons le stade de foot de Gerland, sympa... je regarde ma montre, il ne reste que 7 km, mais ce sont les
plus durs sur un marathon, si ce rythme perdure jusqu'au bout : le chrono va être hallucinant !!
"Sophie, tu sais que tu es en train de faire un truc de malade !"
Ne réalise-t-elle pas ou reste-t-elle prudente ?
Je jette un œil à l'arrière sur l'adversaire quelque peu oubliée, elle n'est plus là.
Puis une crampe au pied vient la titiller, elle commence à entrer dans le dur, normal vu le rythme qu'elle s'est imposé !
La course continue, voilà le panneau du 40e km, il ne reste donc que 2.195 km.
Je sens que Sophie souffre, un nouveau regard pour apercevoir la féminine à moins de 100m,
"Elle est derrière, elle se rapproche..."
"Sophie, tu sais que tu es en train de faire un truc de malade !"
Ne réalise-t-elle pas ou reste-t-elle prudente ?
Je jette un œil à l'arrière sur l'adversaire quelque peu oubliée, elle n'est plus là.
Puis une crampe au pied vient la titiller, elle commence à entrer dans le dur, normal vu le rythme qu'elle s'est imposé !
La course continue, voilà le panneau du 40e km, il ne reste donc que 2.195 km.
Je sens que Sophie souffre, un nouveau regard pour apercevoir la féminine à moins de 100m,
"Elle est derrière, elle se rapproche..."
Le scénario s'inverse, l'avance s'amenuise à vue d'œil, un point de côté douloureux devient considérablement
gênant, de plus en plus, jusqu'à l'empêcher de respirer et la contraindre à s'arrêter !
Anne repasse devant, moi qui pensais qu'elle ne reviendrait pas, elle est impressionnante de facilité, superbe gestion de course, et quel mental de revenir après avoir été distancée : BRAVO !
Que puis-je faire ? Simplement l'encourager : "Aller Sophie, on arrive, encore un dernier effort !"
Elle repart sans sourciller, l'arrêt n'a duré que quelques secondes, j'imagine que le dernier km va être très difficile. Mais Sophie possède un mental d'acier, elle termine sa course comme si tout allait bien, elle se permet même une accélération sur les dernières centaines de mètres.
La ligne d'arrivée franchie, le chrono tombe : 3h23'53, ENORMISSIME !!!
Immédiatement l'émotion surgit, nous avons tous deux les larmes aux yeux, Sophie me serre dans ses bras, heureuse.
Je pense, certainement avec la fatigue, qu'elle a du mal à réaliser immédiatement ce qu'elle vient d'accomplir, elle prend le temps de féliciter son adversaire à qui je demande son chrono pour connaître l'écart qui sépare Sophie du podium : 3h27 !
Bizarre, Sophie a couru 3' plus vite la 3e féminine !
Vous connaissez la suite, pas de podium mais un chrono phénoménal : 3e marathon seulement et 30' gagnées en 1 an, si elle continue sa progression ainsi, nous serons adversaires sur le prochain
marathon ;-)
Enfin lucide, elle laisse éclater sa joie, elle jubile, saute de partout, c'est génial.
Pour conclure, je tiens tout d'abord à remercier Anke (Anne), car une course disputée n'est que plus belle. Et les échanges continuent, c'est ça aussi le sport, le respect et le soutien des adversaires, c'est sûr ces deux compétitrices se retrouveront...
Et surtout merci à toi Sophie, pour ce bonheur partagé, c'est vraiment TOP de courir à deux, vivre ta course, ton fantastique chrono, ta joie, m'a fait vraiment très plaisir, à renouveler sans modération, j'ai hâte de revivre de telles émotions !
Anne repasse devant, moi qui pensais qu'elle ne reviendrait pas, elle est impressionnante de facilité, superbe gestion de course, et quel mental de revenir après avoir été distancée : BRAVO !
Que puis-je faire ? Simplement l'encourager : "Aller Sophie, on arrive, encore un dernier effort !"
Elle repart sans sourciller, l'arrêt n'a duré que quelques secondes, j'imagine que le dernier km va être très difficile. Mais Sophie possède un mental d'acier, elle termine sa course comme si tout allait bien, elle se permet même une accélération sur les dernières centaines de mètres.
La ligne d'arrivée franchie, le chrono tombe : 3h23'53, ENORMISSIME !!!
Immédiatement l'émotion surgit, nous avons tous deux les larmes aux yeux, Sophie me serre dans ses bras, heureuse.
Je pense, certainement avec la fatigue, qu'elle a du mal à réaliser immédiatement ce qu'elle vient d'accomplir, elle prend le temps de féliciter son adversaire à qui je demande son chrono pour connaître l'écart qui sépare Sophie du podium : 3h27 !
Bizarre, Sophie a couru 3' plus vite la 3e féminine !
Vous connaissez la suite, pas de podium mais un chrono phénoménal : 3e marathon seulement et 30' gagnées en 1 an, si elle continue sa progression ainsi, nous serons adversaires sur le prochain
marathon ;-)
Enfin lucide, elle laisse éclater sa joie, elle jubile, saute de partout, c'est génial.
Pour conclure, je tiens tout d'abord à remercier Anke (Anne), car une course disputée n'est que plus belle. Et les échanges continuent, c'est ça aussi le sport, le respect et le soutien des adversaires, c'est sûr ces deux compétitrices se retrouveront...
Et surtout merci à toi Sophie, pour ce bonheur partagé, c'est vraiment TOP de courir à deux, vivre ta course, ton fantastique chrono, ta joie, m'a fait vraiment très plaisir, à renouveler sans modération, j'ai hâte de revivre de telles émotions !
BRAVO Sophie, tu es maintenant une grande marathonienne, et ça ne fait que commencer !
jeudi 15 octobre 2015
Un extraterrestre qui suit une étoile
Positionnée derrière les filles, je cours, tranquille.
Récupération. Dix jours après mon marathon. J'apprends à être raisonnable, patiente. Mesurée.
Je pense cela aujourd'hui. Et je souris.
Les filles débutent. Je suis l'ancienne.
L'ancienne. Tu parles ! 3 ans…
Et je souris.
"Lève la tête. Buste droit ! Regarde ton couloir. A la corde.
Ecoute.
La course à pied est une leçon de musique. Imprègne toi.
Tu entends?
Badabam. Badabam.
Écoute le rythme de ta foulée. Le reste suivra.
Souffle. Sois métronome. Deviens le battement de ton coeur. Rentre dans ton pas.
Tu es ta course. Elle ne commande pas. Moteur et tête pensante. Tu es un tout. Maître de ton tempo."
Je rentre dans ce stade. Un peu miteux. Bord de périf'.
Mais qu'est-ce qui m'a pris !?
Un semi dans quatre mois. Je n'ai jamais couru !
"Tu es du genre à passer en force toi. Non ?"
Je suis du genre. Oui.
Faites ce que je dis. Pas ce que je fais.
"Dieu ! Ils sont partout ces Apollons ! Des tours et des tours. Mais qu'est-ce qu'ils font !?
Je traîne mon coeur en vrac sur les gravillons du grand tour du stade. Mais il mesure combien ce périmètre enfin !? Dix kilomètres au moins ! Je n'en vois pas la fin.
Et cette pointe, là, dans l'omoplate ! Elle se déplace dans le côté maintenant et j'ai les cervicales en vrac !
15 minutes seulement ! Et j'avais dit combien ? 30 ! Suis-je donc présomptueuse !"
Je renâcle, peste, jure que l'on ne m'y reprendra plus.
"Je me fumerais bien une clope. Une seule ! En douce.
Et l'autre qui téléphone. Moi j'arrive même pas à déglutir. Le feu dans les poumons et le coeur qui tachycarde ! Je vais défaillir. Il servira au moins, le beau pompier avec son improbable micro short. Punaise il va vite l'animal !"
J'ai couru mon semi.
Découvert un monde. Un joli monde. Fait de plaisir et de volonté mêlés.
Course après course, chronologie de buts à atteindre.
Avec exactitude programmer sa sortie. Lancer le timer. Et rentrer dans le rythme.
Indicible plaisir.
Quand les cases programmées, minutieusement se remplissent, sortir le nez au vent.
Bord de mer, chemins de randonnée. Autres sensations et autre plaisir. Se sentir "facile" parce qu'en amont, les gammes sont respectées.
Montées et descentes sur le clavier. Vite. moins vite. Toujours plus vite. Un peu moins vite.Vite. Vite et vite encore. Pour mieux improviser quand change de décor.
"Oui, mais toi tu as les capacités pour !"
La capacité ça se travaille.
Bien sûr je n'ai pas de blessure.
Ma démesure est calculée. Je freine mes ardeurs, calcule mon élan. Renonce à contre-coeur pour mieux savourer ensuite. Fais passer les feux au vert à force de volonté.
Préparer. A la lettre. Ne pas en faire trop. Bosser. Juste. Mais bosser bien.
Lorsque les jours, enfilés un à un, durs parfois, décourageants, tout envoyer bouler ! Tu le veux ton tempo ?! Tiens je t'offre une valse à trois temps ! Tu veux te cogner? Fais ton impatiente, et tu la danseras ta gigue ! Lorsque les jours, alignés, aboutissent enfin.
Se lancer dans sa course.
Et laisser faire.
Elle est faite de l'allure, répétée si souvent. Construite de l'endurance, entrée dans les jambes à grands coups de 400 tenus à bout d'haleine. Elle est construite de tactique. Courir est un jeu. Damer le pion. Ou échec. La course sur route est réfléchie. Tracée par avance. Planifiée, ordonnée. Il n'y a qu'à suivre.
Un marathon, c'est 35 kilomètres d'échauffement. 7,195 de course contre soi même.
Et puis. Peut-être l'as tu méritée, arrive la course parfaite.
Je pensais qu'être bien, tout le long, suffisait.
La course parfaite est faite de l'imprévu d'une course dans la course.
La course parfaite est une compétition.
Je pensais que cela n'arrivait qu'aux têtes.
Silencieusement, kilomètre après kilomètres, sortir de sa confortable cadence pour rentrer dans le mouvement de celle qui te devance.
Secrètement capter le son de sa foulée pour s'en imprégner.
Le temps se suspend. Les minutes cognent en sourdine. Elle te sent. Imperceptiblement accroche la seconde supérieure.
A sa hauteur, réguler son souffle. Un peu bluffer. Tu vois, je suis facile. Et tu n'en mènes pas bien large au fond.
Trouver le fragile équilibre qui tiendra le reste de la course. Longue encore. Puis passer. Se décaler un peu; Le tempo est si précis que lui faire faire un pas de côté t'offrira, tu le sais, une fraction de seconde de chance de la fatiguer.
Prendre le risque de ne plus s'arrêter. Croire la partie jouée. Toucher la clameur, y croire encore. Presque.
Et, impuissante, la voir gagner.
Partie de poker.
Elle bluffait.
Arriver ensuite, échanger un regard et hurler tout de même du bonheur commun à tous les marathoniens.
Jubiler enfin.
Nous refaisons la course. Mail après mail, dévoilons des morceaux de nos vies. Points communs. Bien sûr elle est plus posée. Mais tout aussi mordante.
" Tu es un extraterrestre qui suit une étoile" elle me dit.
Et je rougis.
Nous nous retrouverons. Après avoir refait nos gammes. Patiemment. Sans précipitation.
Au bout de la piste un marathon pour aligner les pions, quais de Rhône. De Garonne peut-être. Ailleurs pourquoi pas. Elle prendra sa revanche sur son chrono. Peut-être. Je prendrai ma revanche sur mon classement. Eventuellement. Et quoi qu'il advienne, je le sais.
Rejouer encore
à la course parfaite.
A Anke.
Berges du Rhone.
30 ème km environ.
A couteaux tirés.
-Au bas mot ;) -
Récupération. Dix jours après mon marathon. J'apprends à être raisonnable, patiente. Mesurée.
Je pense cela aujourd'hui. Et je souris.
Les filles débutent. Je suis l'ancienne.
L'ancienne. Tu parles ! 3 ans…
Et je souris.
"Lève la tête. Buste droit ! Regarde ton couloir. A la corde.
Ecoute.
La course à pied est une leçon de musique. Imprègne toi.
Tu entends?
Badabam. Badabam.
Écoute le rythme de ta foulée. Le reste suivra.
Souffle. Sois métronome. Deviens le battement de ton coeur. Rentre dans ton pas.
Tu es ta course. Elle ne commande pas. Moteur et tête pensante. Tu es un tout. Maître de ton tempo."
Je rentre dans ce stade. Un peu miteux. Bord de périf'.
Mais qu'est-ce qui m'a pris !?
Un semi dans quatre mois. Je n'ai jamais couru !
"Tu es du genre à passer en force toi. Non ?"
Je suis du genre. Oui.
Faites ce que je dis. Pas ce que je fais.
"Dieu ! Ils sont partout ces Apollons ! Des tours et des tours. Mais qu'est-ce qu'ils font !?
Je traîne mon coeur en vrac sur les gravillons du grand tour du stade. Mais il mesure combien ce périmètre enfin !? Dix kilomètres au moins ! Je n'en vois pas la fin.
Et cette pointe, là, dans l'omoplate ! Elle se déplace dans le côté maintenant et j'ai les cervicales en vrac !
15 minutes seulement ! Et j'avais dit combien ? 30 ! Suis-je donc présomptueuse !"
Je renâcle, peste, jure que l'on ne m'y reprendra plus.
"Je me fumerais bien une clope. Une seule ! En douce.
Et l'autre qui téléphone. Moi j'arrive même pas à déglutir. Le feu dans les poumons et le coeur qui tachycarde ! Je vais défaillir. Il servira au moins, le beau pompier avec son improbable micro short. Punaise il va vite l'animal !"
J'ai couru mon semi.
Découvert un monde. Un joli monde. Fait de plaisir et de volonté mêlés.
Course après course, chronologie de buts à atteindre.
Avec exactitude programmer sa sortie. Lancer le timer. Et rentrer dans le rythme.
Indicible plaisir.
Quand les cases programmées, minutieusement se remplissent, sortir le nez au vent.
Bord de mer, chemins de randonnée. Autres sensations et autre plaisir. Se sentir "facile" parce qu'en amont, les gammes sont respectées.
Montées et descentes sur le clavier. Vite. moins vite. Toujours plus vite. Un peu moins vite.Vite. Vite et vite encore. Pour mieux improviser quand change de décor.
"Oui, mais toi tu as les capacités pour !"
La capacité ça se travaille.
Bien sûr je n'ai pas de blessure.
Ma démesure est calculée. Je freine mes ardeurs, calcule mon élan. Renonce à contre-coeur pour mieux savourer ensuite. Fais passer les feux au vert à force de volonté.
Préparer. A la lettre. Ne pas en faire trop. Bosser. Juste. Mais bosser bien.
Lorsque les jours, enfilés un à un, durs parfois, décourageants, tout envoyer bouler ! Tu le veux ton tempo ?! Tiens je t'offre une valse à trois temps ! Tu veux te cogner? Fais ton impatiente, et tu la danseras ta gigue ! Lorsque les jours, alignés, aboutissent enfin.
Se lancer dans sa course.
Et laisser faire.
Elle est faite de l'allure, répétée si souvent. Construite de l'endurance, entrée dans les jambes à grands coups de 400 tenus à bout d'haleine. Elle est construite de tactique. Courir est un jeu. Damer le pion. Ou échec. La course sur route est réfléchie. Tracée par avance. Planifiée, ordonnée. Il n'y a qu'à suivre.
Un marathon, c'est 35 kilomètres d'échauffement. 7,195 de course contre soi même.
Et puis. Peut-être l'as tu méritée, arrive la course parfaite.
Je pensais qu'être bien, tout le long, suffisait.
La course parfaite est faite de l'imprévu d'une course dans la course.
La course parfaite est une compétition.
Je pensais que cela n'arrivait qu'aux têtes.
Silencieusement, kilomètre après kilomètres, sortir de sa confortable cadence pour rentrer dans le mouvement de celle qui te devance.
Secrètement capter le son de sa foulée pour s'en imprégner.
Le temps se suspend. Les minutes cognent en sourdine. Elle te sent. Imperceptiblement accroche la seconde supérieure.
A sa hauteur, réguler son souffle. Un peu bluffer. Tu vois, je suis facile. Et tu n'en mènes pas bien large au fond.
Trouver le fragile équilibre qui tiendra le reste de la course. Longue encore. Puis passer. Se décaler un peu; Le tempo est si précis que lui faire faire un pas de côté t'offrira, tu le sais, une fraction de seconde de chance de la fatiguer.
Prendre le risque de ne plus s'arrêter. Croire la partie jouée. Toucher la clameur, y croire encore. Presque.
Et, impuissante, la voir gagner.
Partie de poker.
Elle bluffait.
Arriver ensuite, échanger un regard et hurler tout de même du bonheur commun à tous les marathoniens.
Jubiler enfin.
Nous refaisons la course. Mail après mail, dévoilons des morceaux de nos vies. Points communs. Bien sûr elle est plus posée. Mais tout aussi mordante.
" Tu es un extraterrestre qui suit une étoile" elle me dit.
Et je rougis.
Nous nous retrouverons. Après avoir refait nos gammes. Patiemment. Sans précipitation.
Au bout de la piste un marathon pour aligner les pions, quais de Rhône. De Garonne peut-être. Ailleurs pourquoi pas. Elle prendra sa revanche sur son chrono. Peut-être. Je prendrai ma revanche sur mon classement. Eventuellement. Et quoi qu'il advienne, je le sais.
Rejouer encore
à la course parfaite.
A Anke.
30 ème km environ.
A couteaux tirés.
-Au bas mot ;) -
vendredi 9 octobre 2015
Gône with the win(d) - Marathon de Lyon -
J'ai sprinté 500 mètres. Enfin. Appelons cela sprinter. Pour la rattraper. Essayer. Un sprint à 4' 40, c'est une accélération de mauviette. Pas assez pour franchir la ligne d'arrivée en troisième position. Assez pourtant pour ponctuer ce qu'il convient d'appeler
Un marathon d'anthologie
3 ans de course à pied. 3 ème marathon. Je prépare 3h 30.
Comme pour Toulouse il y a 1 an, puis pour Paris en avril dernier, je rentre dans mon objectif de chrono 3 mois avant le coup de starter.
Cette année je décide de me licencier. D'abord pour m'imposer des horaires de sport, ensuite pour ne plus courir seule, enfin pour avoir à disposition une âme assez charitable en la personne d'un entraineur, pour me botter les fesses et cadrer mes ardeurs de coureuse freelance.
Le mois de septembre est éprouvant. Epouvantablement éprouvant.
On ne choisit pas l'heure des difficultés, des peines et des drames. On choisit juste de les surmonter.
Je les enjambe. J'ai deux objectifs. L'un est professionnel, l'autre sportif. Je ne les laisserais pour rien au monde sur le bas-côté.
A raison de 10 heures de labeur par jour, 7 jours sur 7, d'un plan d'entrainement marathon suivi à la lettre et de 6 heures de sommeil par nuit, je tiens la route, plus galvanisée encore, à mesure que se rapprochent mes deux échéances tant travaillées.
Réveillée à 6 heures pour déjeuner, j'ai dormi comme un bébé chez des amis adorables qui m'accueillent à deux pas du départ… 9 heures de sommeil. Un luxe que je ne m'offre plus depuis des mois.
Mes gestes sont posés. Silence et précision du rituel.
Je me prépare à une longue promenade dont je me régale par avance.
Lyon. La ville de mes 20 premiers Noëls.
Départ de la presqu'île. Lieu de mon baptême.
20 années sans y retourner. Je veux voir, humer, sentir, me retrouver en enfance, courir sur ma terre maternelle. Je viens embrasser une aïeule. Elle me le rendra bien.
Je me faufile par la place Antoine Vollon. Un oeil jeté aux fenêtres du grand-salon. Celui qui abritait l'immense sapin et la crèche Provençale de grand-père. Douces années des cousinades.
Je piétine le temps d'échanger deux mots avec la meneuse d'allure des 3 h 30. Bon, je lui dis, c'est simple, vous me laissez filer et vous ne me rattrapez jamais ! Humeur joyeuse des départs de courses. Nous laissons partir les élites que nous voyons quasi instantanément débouler de l'autre côté des quais à un train d'enfer !
Sas rouge. Jaune. Léger échauffement où le voisin cogne du coude et du genou en riant. Index sur la montre.
Sas bleu. 8h 40.
Libération.
C'est au moment où après un dernier regard circulaire je décide de me fermer sur mon tempo qu'il surgit.
Laurent. Le lièvre du trail Urbain. Le meneur Toulousain que je n'ai pas su suivre sur mon dix foireux.
Laurent. Venu de tout la bas. Par surprise.
" Tu crois pas que tu allais le faire toute seule ce marathon, non ?"
Je suis hilare, euphorique, pince moi je rêve, à peine le temps de réaliser et il sort du rang en me jetant un "va, je te rejoindrai vers le 10 ème km".
Je traverse la Saône, encore éberluée, sans trop savoir si j'ai bien compris le comment du pourquoi mais je referme mes pensées sur cette douce impression de commencer une histoire de marathon un peu hors du commun…
Les quais me regardent rouler sur mon tempo millimétré. 4' 45. 10 secondes de plus que ce que j'avais convenu. Mais les jambes décident seules et le martèlement des semelles sur la chaussée me berce en un rythme qui ne se discute pas.
Du monde, un peu. Comme les enfants sur l'autoroute, je joue à deviner l'histoire ou la destinée des bolides qui me dépassent. On devine les gens à leur façon de courir. Il y a les pressés. Les anxieux. Il y a les blessés. Les ambitieux et les sérieux. Et puis il y a les plus lents, parfois, qui sont partis dans un sas trop rapide pour eux, et qui oscillent au passage des dragsters.
Les coureurs du semi se mêlent aux marathoniens. Difficile de se situer. Je suis le flot et je savoure les conditions météo idéales du jour. Pas un souffle. Ni trop froid, ni trop chaud. Thermostat réglé pour le coureur de fond.
J'ouvre les yeux. Une première sur marathon. Les berges sont calmes. Un peu de monde sur le chemin, mais pas trop. Nous sortons de Lyon, passage devant Bocuse. 10 ème kilomètre. 47 minutes. Je ne songe même pas à la conversion sur 40. Je constate. Juste. Et je suis dans mon élément. Pas une seule fois je songe à ralentir. Je me fais confiance, et cette sérénité me porte. Droit devant. Souffle posé. Régulier. Et la semelle, qui fait ses gammes. Padabam, padabam.
Mon cavalier Laurent surgit de nul part. Au 12. Plus tôt ? Je ne sais plus au juste. Après le pont.
Je lui fais signe que je flotte. Dans mon monde ouatiné de marathonienne. Il respecte mon silence, se place dans ma roue.
Cinq kilomètres vers le sud. La route est un tapis roulant qui me fait avancer. Je prends le temps de regarder le flot des coureurs qui se déverse encore sur l'autre berge. Si j'avais été arrêtée, accoudée au parapet, à m'amuser de cette ondulation colorée, ça aurait été tout comme. Le mouvement, bras, jambes, se fait sans y penser. Toujours au même rythme. Tempo gravé dans le disque dur, le corps récite sa chanson et la passe en boucle, sans jamais se lasser.
L'approche du tunnel me réveille. Il s'en faut de peu pour que je m'engouffre sur la voie réservée aux semi-marathoniens ! Laurent est là qui veille et m'indique le bon chemin pourtant bien annoncé par une armée de bénévoles et de panneaux bien placés. Il faut croire que j'avais les yeux fermés. Encore. La masse bifurque. Nous sommes seuls. Presque.
Tunnel de la Croix Rousse. Modes doux. Le nom m'amusait. J'en comprends le sens en m'y engageant.
1800 mètres d'enchantement !
J'ai l'impression qu'une main géante a posé sur nos têtes un gros casque à réducteur de bruit. Bulle immergée dans un immense aquarium je plane au centre des images projetées sur les parois. Sons doux, images ondulantes. Je suis dans un fauteuil. Regarde les bruits, écoute les mouvements, capte les silences et goûte les sons.
Laurent pendant ce temps, trifouille dans son sac, joue les paparazzi, tournicoque va devant, revient. "Tu vas trop vite" me lance t'il ! "Je n'arrive même pas à prendre une photo !". Je voudrais ne jamais sortir de ce chemin chaud et lumineux. Les autres coureurs, tout aussi silencieux, semblent savourer aussi. Nous sommes des privilégiés, à passer ici, en tête de peloton.
Le jour froid nous frappe dès la sortie. Quel contraste ! Le frisson passe aussi vite. Le rythme de course n'a pas bronché. De là haut un satellite m'a repêchée. 4' 50. Parfait. Laurent me souffle parfois, visiblement impressionné "Mais tu fais un truc de fou !"
Aux abords de la Tête d'Or, nous croisons les champions. Ils passent, en sens inverse. Balles traçantes.
Sur les bas côté on encourage. Semi. 1heure 41.
En entrant dans les allées, je me revois vaguement petiote, accompagnée des cousines, main ferme de ma grand-mère. Il me semblait infini ce parc. Et je me prends à songer que peut-être, il l'est, et que je vais perdre le fil, partir dans la mauvaise allée, chuter sur une bordure.
Je n'aime pas courir dans les parcs. Ils sont synonyme de sorties du dimanche, poussives et obligées, à suivre le jogging du devant. En rond, toujours en rond, autour du lac dont la boucle ne finit jamais.
" 4 ème féminine" me susurre le bas côté ! Laurent pointe devant. Fille à 100 mètres. Il me faut du temps pour comprendre ce que cela signifie. Kilomètre 24, sortie du parc de la Tête d'Or, je cours pour…Le podium !
La longue remontée durera 5 bons kilomètres.
Elle m'a flairée. Dans son dos.
Le public réalise à notre passage que la course féminine se joue ici. Badauds et coureurs, que je dépasse, crient mon prénom, poussent, encouragent.
J'aime la compétition. Me voilà servie.
La partie se joue en silence. Elle accélère imperceptiblement, j'ajuste ma vitesse.
Les berges du Rhône défilent à 13,5 km heure. Laurent prend le pouls régulièrement. S'inquiète, un peu. Calme mon impatience. Prodigue des conseils bien ciblés. Et m'encourage, toujours.
Je la dépasse avant le 30 ème. Mur du son. Je jubile. Jeune Padawam… Pauvre de toi. Elle l'aura sa revanche. Mais tu ne le sais pas.
Je fais baisser la pression au parc de Gerland. Echange rapide avec un coureur au même rythme de croisière. Il courra comme moi la Saintélyon dans deux mois, et nous évoquons notre future arrivée, ici, après une longue traversée nocturne qui risque fort de me marquer, aussi, d'une autre façon.
La fatigue aidant, mais sans flancher encore, je profite moins de la route. Concentrée pour ne pas marcher dans les ornières où l'orage de la veille a laissé de larges flaques, je m'applique à séparer l'âme du corps qui commence à devenir lourd.
Laurent prend le contrôle des détails matériels. Il me sert de porteur d'eau, de conteneur à déchets - Plus de poubelles ASO sur le trajet tu es gentil merci - Il s'inquiète en permanence de mon état physique, m'invite à ne pas lâcher prise. Je contrôle encore ma vitesse. Elle ne bouge pas. Mais au passage du pont Raymond Barre, je touche, impuissante, au point de confluence entre fluidité et difficulté.
Les 3 kilomètres entre le 38 ème et le 41 ème me semblent interminables. Une lame me chatouille le côté droit de sa pointe acérée. Frappera, frappera pas. C'est à 41,5 qu'elle cogne. Je m'arrête pliée en deux dans une douleur que je ne peux plus contrôler.
Elle profite de cet instant.
Me dépasse dans un courant d'air.
Je lève la tête. Impuissante. Dans un brouillard, au bord de la nausée j'entends Laurent qui me hurle d'avancer.
Alors.
Je redresse le torse. Ravale mes larmes. Echange un regard avec Laurent. Souffle.
5 secondes d'arrêt. 5 secondes de trop.
Refermée sur ma douleur. Raccrochant les 13 km heure, j'arrache au bitume les 800 derniers mètres.
Ligne. Je referme la main sur ma montre. Arrête le chrono.
Stratosphérique. J'explose une seconde fois mon record.
3h 23 minutes et 53 secondes de course.
15 minutes de mieux qu'à Paris.
30 minutes gagnées en un an sur la distance.
Je hurle. Trépigne, étreint Laurent tout aussi euphorique. Lance vers le ciel un salut à mon étoile. Ma Lulu.
Je félicite ma concurrente. Elle me souffle qu'elle n'est pas sûre. Pas certaine de sa place.
Je commence à comprendre.
Elle est partie bien avant moi.
Mon chrono est meilleur que le sien.
Mais.
Mais elle a franchi la ligne avant moi.
La règle est simple. Première arrivée en temps officiel - début de course premier départ - première servie. Elle monte sur le podium.
Et pourtant.
Et pourtant mon résultat est sans appel… 3 ème féminine.
Manger du Lyon au petit déjeuner, ça me réussit !
Un marathon d'anthologie
3 ans de course à pied. 3 ème marathon. Je prépare 3h 30.
Comme pour Toulouse il y a 1 an, puis pour Paris en avril dernier, je rentre dans mon objectif de chrono 3 mois avant le coup de starter.
Cette année je décide de me licencier. D'abord pour m'imposer des horaires de sport, ensuite pour ne plus courir seule, enfin pour avoir à disposition une âme assez charitable en la personne d'un entraineur, pour me botter les fesses et cadrer mes ardeurs de coureuse freelance.
Le mois de septembre est éprouvant. Epouvantablement éprouvant.
On ne choisit pas l'heure des difficultés, des peines et des drames. On choisit juste de les surmonter.
Je les enjambe. J'ai deux objectifs. L'un est professionnel, l'autre sportif. Je ne les laisserais pour rien au monde sur le bas-côté.
A raison de 10 heures de labeur par jour, 7 jours sur 7, d'un plan d'entrainement marathon suivi à la lettre et de 6 heures de sommeil par nuit, je tiens la route, plus galvanisée encore, à mesure que se rapprochent mes deux échéances tant travaillées.
Réveillée à 6 heures pour déjeuner, j'ai dormi comme un bébé chez des amis adorables qui m'accueillent à deux pas du départ… 9 heures de sommeil. Un luxe que je ne m'offre plus depuis des mois.
Mes gestes sont posés. Silence et précision du rituel.
Je me prépare à une longue promenade dont je me régale par avance.
Lyon. La ville de mes 20 premiers Noëls.
Départ de la presqu'île. Lieu de mon baptême.
20 années sans y retourner. Je veux voir, humer, sentir, me retrouver en enfance, courir sur ma terre maternelle. Je viens embrasser une aïeule. Elle me le rendra bien.
Je me faufile par la place Antoine Vollon. Un oeil jeté aux fenêtres du grand-salon. Celui qui abritait l'immense sapin et la crèche Provençale de grand-père. Douces années des cousinades.
Je piétine le temps d'échanger deux mots avec la meneuse d'allure des 3 h 30. Bon, je lui dis, c'est simple, vous me laissez filer et vous ne me rattrapez jamais ! Humeur joyeuse des départs de courses. Nous laissons partir les élites que nous voyons quasi instantanément débouler de l'autre côté des quais à un train d'enfer !
Sas rouge. Jaune. Léger échauffement où le voisin cogne du coude et du genou en riant. Index sur la montre.
Sas bleu. 8h 40.
Libération.
C'est au moment où après un dernier regard circulaire je décide de me fermer sur mon tempo qu'il surgit.
Laurent. Le lièvre du trail Urbain. Le meneur Toulousain que je n'ai pas su suivre sur mon dix foireux.
Laurent. Venu de tout la bas. Par surprise.
" Tu crois pas que tu allais le faire toute seule ce marathon, non ?"
Je suis hilare, euphorique, pince moi je rêve, à peine le temps de réaliser et il sort du rang en me jetant un "va, je te rejoindrai vers le 10 ème km".
Je traverse la Saône, encore éberluée, sans trop savoir si j'ai bien compris le comment du pourquoi mais je referme mes pensées sur cette douce impression de commencer une histoire de marathon un peu hors du commun…
Les quais me regardent rouler sur mon tempo millimétré. 4' 45. 10 secondes de plus que ce que j'avais convenu. Mais les jambes décident seules et le martèlement des semelles sur la chaussée me berce en un rythme qui ne se discute pas.
Du monde, un peu. Comme les enfants sur l'autoroute, je joue à deviner l'histoire ou la destinée des bolides qui me dépassent. On devine les gens à leur façon de courir. Il y a les pressés. Les anxieux. Il y a les blessés. Les ambitieux et les sérieux. Et puis il y a les plus lents, parfois, qui sont partis dans un sas trop rapide pour eux, et qui oscillent au passage des dragsters.
Les coureurs du semi se mêlent aux marathoniens. Difficile de se situer. Je suis le flot et je savoure les conditions météo idéales du jour. Pas un souffle. Ni trop froid, ni trop chaud. Thermostat réglé pour le coureur de fond.
J'ouvre les yeux. Une première sur marathon. Les berges sont calmes. Un peu de monde sur le chemin, mais pas trop. Nous sortons de Lyon, passage devant Bocuse. 10 ème kilomètre. 47 minutes. Je ne songe même pas à la conversion sur 40. Je constate. Juste. Et je suis dans mon élément. Pas une seule fois je songe à ralentir. Je me fais confiance, et cette sérénité me porte. Droit devant. Souffle posé. Régulier. Et la semelle, qui fait ses gammes. Padabam, padabam.
Mon cavalier Laurent surgit de nul part. Au 12. Plus tôt ? Je ne sais plus au juste. Après le pont.
Je lui fais signe que je flotte. Dans mon monde ouatiné de marathonienne. Il respecte mon silence, se place dans ma roue.
Cinq kilomètres vers le sud. La route est un tapis roulant qui me fait avancer. Je prends le temps de regarder le flot des coureurs qui se déverse encore sur l'autre berge. Si j'avais été arrêtée, accoudée au parapet, à m'amuser de cette ondulation colorée, ça aurait été tout comme. Le mouvement, bras, jambes, se fait sans y penser. Toujours au même rythme. Tempo gravé dans le disque dur, le corps récite sa chanson et la passe en boucle, sans jamais se lasser.
L'approche du tunnel me réveille. Il s'en faut de peu pour que je m'engouffre sur la voie réservée aux semi-marathoniens ! Laurent est là qui veille et m'indique le bon chemin pourtant bien annoncé par une armée de bénévoles et de panneaux bien placés. Il faut croire que j'avais les yeux fermés. Encore. La masse bifurque. Nous sommes seuls. Presque.
Tunnel de la Croix Rousse. Modes doux. Le nom m'amusait. J'en comprends le sens en m'y engageant.
1800 mètres d'enchantement !
J'ai l'impression qu'une main géante a posé sur nos têtes un gros casque à réducteur de bruit. Bulle immergée dans un immense aquarium je plane au centre des images projetées sur les parois. Sons doux, images ondulantes. Je suis dans un fauteuil. Regarde les bruits, écoute les mouvements, capte les silences et goûte les sons.
Laurent pendant ce temps, trifouille dans son sac, joue les paparazzi, tournicoque va devant, revient. "Tu vas trop vite" me lance t'il ! "Je n'arrive même pas à prendre une photo !". Je voudrais ne jamais sortir de ce chemin chaud et lumineux. Les autres coureurs, tout aussi silencieux, semblent savourer aussi. Nous sommes des privilégiés, à passer ici, en tête de peloton.
Le jour froid nous frappe dès la sortie. Quel contraste ! Le frisson passe aussi vite. Le rythme de course n'a pas bronché. De là haut un satellite m'a repêchée. 4' 50. Parfait. Laurent me souffle parfois, visiblement impressionné "Mais tu fais un truc de fou !"
Aux abords de la Tête d'Or, nous croisons les champions. Ils passent, en sens inverse. Balles traçantes.
Sur les bas côté on encourage. Semi. 1heure 41.
En entrant dans les allées, je me revois vaguement petiote, accompagnée des cousines, main ferme de ma grand-mère. Il me semblait infini ce parc. Et je me prends à songer que peut-être, il l'est, et que je vais perdre le fil, partir dans la mauvaise allée, chuter sur une bordure.
Je n'aime pas courir dans les parcs. Ils sont synonyme de sorties du dimanche, poussives et obligées, à suivre le jogging du devant. En rond, toujours en rond, autour du lac dont la boucle ne finit jamais.
" 4 ème féminine" me susurre le bas côté ! Laurent pointe devant. Fille à 100 mètres. Il me faut du temps pour comprendre ce que cela signifie. Kilomètre 24, sortie du parc de la Tête d'Or, je cours pour…Le podium !
La longue remontée durera 5 bons kilomètres.
Elle m'a flairée. Dans son dos.
Le public réalise à notre passage que la course féminine se joue ici. Badauds et coureurs, que je dépasse, crient mon prénom, poussent, encouragent.
J'aime la compétition. Me voilà servie.
La partie se joue en silence. Elle accélère imperceptiblement, j'ajuste ma vitesse.
Les berges du Rhône défilent à 13,5 km heure. Laurent prend le pouls régulièrement. S'inquiète, un peu. Calme mon impatience. Prodigue des conseils bien ciblés. Et m'encourage, toujours.
Je la dépasse avant le 30 ème. Mur du son. Je jubile. Jeune Padawam… Pauvre de toi. Elle l'aura sa revanche. Mais tu ne le sais pas.
Je fais baisser la pression au parc de Gerland. Echange rapide avec un coureur au même rythme de croisière. Il courra comme moi la Saintélyon dans deux mois, et nous évoquons notre future arrivée, ici, après une longue traversée nocturne qui risque fort de me marquer, aussi, d'une autre façon.
La fatigue aidant, mais sans flancher encore, je profite moins de la route. Concentrée pour ne pas marcher dans les ornières où l'orage de la veille a laissé de larges flaques, je m'applique à séparer l'âme du corps qui commence à devenir lourd.
Laurent prend le contrôle des détails matériels. Il me sert de porteur d'eau, de conteneur à déchets - Plus de poubelles ASO sur le trajet tu es gentil merci - Il s'inquiète en permanence de mon état physique, m'invite à ne pas lâcher prise. Je contrôle encore ma vitesse. Elle ne bouge pas. Mais au passage du pont Raymond Barre, je touche, impuissante, au point de confluence entre fluidité et difficulté.
Les 3 kilomètres entre le 38 ème et le 41 ème me semblent interminables. Une lame me chatouille le côté droit de sa pointe acérée. Frappera, frappera pas. C'est à 41,5 qu'elle cogne. Je m'arrête pliée en deux dans une douleur que je ne peux plus contrôler.
Elle profite de cet instant.
Me dépasse dans un courant d'air.
Je lève la tête. Impuissante. Dans un brouillard, au bord de la nausée j'entends Laurent qui me hurle d'avancer.
Alors.
Je redresse le torse. Ravale mes larmes. Echange un regard avec Laurent. Souffle.
5 secondes d'arrêt. 5 secondes de trop.
Refermée sur ma douleur. Raccrochant les 13 km heure, j'arrache au bitume les 800 derniers mètres.
Ligne. Je referme la main sur ma montre. Arrête le chrono.
Stratosphérique. J'explose une seconde fois mon record.
3h 23 minutes et 53 secondes de course.
15 minutes de mieux qu'à Paris.
30 minutes gagnées en un an sur la distance.
Je hurle. Trépigne, étreint Laurent tout aussi euphorique. Lance vers le ciel un salut à mon étoile. Ma Lulu.
Je félicite ma concurrente. Elle me souffle qu'elle n'est pas sûre. Pas certaine de sa place.
Je commence à comprendre.
Elle est partie bien avant moi.
Mon chrono est meilleur que le sien.
Mais.
Mais elle a franchi la ligne avant moi.
La règle est simple. Première arrivée en temps officiel - début de course premier départ - première servie. Elle monte sur le podium.
Et pourtant.
Et pourtant mon résultat est sans appel… 3 ème féminine.
Manger du Lyon au petit déjeuner, ça me réussit !
Un grand merci à Eric Tinat, entraineur à L'USBerry Athlétisme, pour son plan, ses encouragements et sa confiance dévouée.
Et puis.
Mon étoile, ma Lulu, mes enfants si sages pendant mes entrainements. Laurent. Rock*. Henri et Isabelle.
Et tous les bénévoles.
Merci.
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