Parce que mes pieds sont têtus.

lundi 10 octobre 2016

Marathon 2 Lyon. L'indice cible


















Lecteur je préviens. 
ces lignes sont un réquisitoire anti faux-fuyant doucereux et elles dégoulinent en outre, d'auto-censure moraliste.  
Bon. J'abuse un peu.
J'ai juste une tête de mule démesurée. Et un peu de jambes, ça sauve l'honneur.
L'âne vise l'orgueil. C'est entendu.
Alors voilà. J'étais vachement en forme.
Mais vraiment quoi. Je ne faisais pas semblant. Comme il y a six mois. Sur la course Haddock.
Fut un temps j'avais besoin de dire que j'allais bien et aujourd'hui je vais réellement bien.
Bon alors j'ai fait mes gammes. Assez intuitivement d'ailleurs.
L'été n'était pas fait pour bosser. En tout cas dans le sens sportif du terme, bien que j'y aie usé quelques paquets de kilocalories à m'asticoter en déménagements en tout genres.
Mais enfin, les sorties pedibus jambus Pegasus étaient principalement programmées pour m'aérer le caractère et j'étais d'humeur à dégouliner de bonheur pour une sortie au feeling et à bugner d'un crochet du gauche quiconque aurait osé me demander de forcer.
J'ai continué sur ma lancée en septembre, en y incluant, faut pas charrier, quelques belles sorties bi-hebdomadaires à accélération progressive : Kilomètre un en 4'50 et kilomètre 12 en 3'45, pour brosser grosso-modo le tableau -Je vais pas te filer mon plan, tu risquerais de ressusciter mon chrono avorté !-
Bon. Alors. Pour résumer. Soyons con sise. J'ai travaillé sur une base de 4'38 au kilomètre. Soit du  3h 15 au marathon. Je me suis formatée pour cette allure.
J'ai sorti 7 minutes de plus, soit 3 heures 22 minutes et 25 secondes. 1 km 500 de retard sur le chrono escompté. C'est beaucoup.
Avant d'ouvrir le bureau des Paul et Mickey et compagnie je tiens à préciser que je ne considère pas mon chrono comme du tout venant. 
Je suis une pissouse. Comme chacun sait, la pissouse quadra se classe en 3h 30. Je reste de ce fait classée pour la troisième fois consécutive. Je peux courir New-York et Boston. J'ai pas le premier billet pour. Mais je peux. Ça me fait une belle jambe, c'est déjà ça de pris pour les photos IGcompatibles.
Au regard de cette fine observation, j'accepte en vrac les vivats et bravos comme les expressions de peut mieux faire mâtinées de passable. Peu me chaut. C'est un chrono point.
L'observateur sur ce point, a un avis plutôt très consensuel. Le coureur est d'ailleurs, assez consensuel en général. Peu importe ce que tu cours et en combien tu le cours, ce que tu as préparé ou procrastiné, travaillé ou bâclé, pour le conventionnel, c'est toujours un exploit. Ça fait partie du pack coureur. A ce titre, renoncer à la palme de démiurge n'est pas vu d'un très bon oeil. 
C'est joli. C'est vrai ! Je me prends aussi au jeu, et puis ça fait du bien d'être déifié. On a besoin de ça. Terriblement besoin.
Mais le meilleurs compliment qui soit pour moi, est loin d'être celui là. Le plus beau cadeau, celui qui me prend aux tripes et qui fait déborder le vase. Celui qui me fait sourire morveux, yeux baveux et lèvres vitreuses. Le master classe de la complimente, c'est l'aveu, yeux dans les yeux, qui dit ben mon vieux, ça c'est du boulot. Du beau, du dur, du ciblé, du juste, du travaillé, du pensé, de l'acharné, du mérité.
Tu prépares. Tu bosses. Tu gagnes. Et peu importe ce que tu prépares. Il n'est pas question de niveau de cible, il est juste question de cibler.
Il se trouve que pour courir Lyon, comme pour la plupart de mes courses sur route, j'ai bossé un temps cible. Il se trouve que j'étais prête. Il se trouve que j'ai foiré.
J'ai cru un moment que je pouvais être un héros. Juste pour une journée.
J'avais peut-être besoin de ça. 
Penser que je pouvais être encore meilleure que la cible. C'était le début de l'erreur.
Je suis partie comme une flèche. Un sermon sous le crâne à chacune de mes foulées. Je le savais.
Plonger tête baissée dans l'illusion. Du sophisme. Je me persuade que je suis dans le bon.
Logique en même temps.
Et puis je me persuade longtemps, et tant et si bien que je finis un semi en 1 heure et 33 minutes à ma montre, une base de...3 heures 06 au marathon. Bingo.
Des amis sur le tracé m'encouragent. Je crois qu'ils pensent aussi, à cet instant que je peux tenir. J'ai une foulée qui peut laisser penser que je suis facile. Même quand je ne le suis pas.
Je donne souvent l'illusion que je suis facile. Même quand je ne le suis pas.
Il m'arrive de rares fois d'exposer mes défaillances. Nicolas, à Cheverny le sait. 
Peu importe. Je ne suis pas mal en point. Loin de là. Mais je décline, doucement. Je perds de la vitesse, m'agace pour l'augmenter, chope un point de côté, maîtrise une crampe. Je ne cesse de tenter de maintenir l'aiguille d'une allure qui tend à échapper à mon contrôle et je ne m'accroche plus au kilomètre 38 qu'à l'idée de sauvegarder un embryon de record personnel.
Et j'y arrive.
Une minute et quelques secondes de gagnée sur la distance. Ce n'est rien. Quelques grammes de poussière. Pas d'étoile. Mon marathon de Cheverny était bien plus beau tu sais. Couru corps et âme à nu et à tripes. 
Je suis rage. Je suis penaude. Je suis colère et bêtise. Pas besoin d'analyse. Elle est toute faite. Je savais en courant ce que je faisais. Je suis partie trop vite. Je n'ai pas décomposé ma course. 
Payée cash.
Quand tu marches le nez dans les étoiles, tu tombes dans la fosse à purin. Parait. C'est en Chine qu'y disent. Ma maman, elle, disait que j'avais "my brain in my toes". Vérifié.
Ceci étant dit. Et ceci étant fait. 
Much ado about nothing ou quasi.
Je tenais à dire ma philosophie toute personnelle de la performance. Elle tient à un travail, bien plus qu'à une à posture. J'admire avant tout les personnes qui osent avouer leurs objectifs, bien plus que celles qui avancent dans le qu'en verra t'on. Annoncer la couleur quand la course est faite, c'est donner la météo de la veille.
La performance dans le sport se joue sur la connaissance de soi. De ce que l'on peut envisager, avec sérieux, en temps, en classement, en kilométrage, peu importe. 
L'accomplissement n'est pas le degré, il est l'objectif.
Perdue ou gagnée, la course est jouée. Elle n'est que plaisir, et cela est évidement acquis, je passe sur cette idée stupide et tenace qui chercherait à démontrer que le degré de plaisir en course serait inversement proportionnel à la recherche de performance. 
Qu'elle soit dépassement, médiocrité, erreur ou abandon la valeur de la course ainsi mesurée, n'en a au final, que plus de saveur et d'importance.
Je ne suis pas un héros. J'aurais pu l'être si j'avais tenu mon objectif.
Mais je ne suis finalement,
qu'une mule altière.
Et c'est un peu bête. Certes. Mais c'est parce que mes pieds sont têtus.
Alors je recommencerai.

































Merci à Eric, entraîneur patient.
Merci à Mathias et à Audrey, supporters confiants.
A Hanke et à Nicolas.

4 commentaires:

  1. J'aime beaucoup ton texte, ainsi que l'élargissement de sa philosophie à tous les buts de la vie. J'aime aussi ton humilité, ta façon d'accepter tes erreurs, et tes projets de les dépasser une autre fois.
    Battante tu es, battante tu restes... Bravo !

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  2. Bravo Sophie,
    C'est très bien écrit, tu expliques très bien ta philosophie de course, et les raisons pour lesquelles la fusée a atteri légèrement à côté de la cible,
    On veut la courbe d'allure sur les 42 ,195 km!!!
    Bonne continuation
    Julien

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  3. Cela reste un bon temps et un beau texte, Sophie !
    Peût-être qu'en se mettant un peu moins de pression et en incorporant un peu plus de poésie dans l'approche de la course...
    Puts your brain in your shoes and be our Kate Sheridan !
    Nicolas

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  4. oublie ce mauvais jour. le marathon est ainsi. intraitable et surprenant. on ne sait avant le pied final.
    et surtout ne change rien. sois juste patiente et attentive. et ce chrono tu l'auras forcément. je te l'ai dit.
    o

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